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Il y a douze ans, au moment des révoltes en Syrie, de leur répression et du glissement vers la guerre, nombreux étaient les ministres et les diplomates européens à assurer que Bachar al-Assad n’en avait plus que pour quelques semaines de pouvoir. Douze ans après, il est toujours en poste à Damas, tient le pays et opère la réintégration de son pays dans un grand nombre de cénacles diplomatiques.
Désastre pour les civils, la guerre syrienne fut aussi un naufrage de la diplomatie française. Après avoir retiré son ambassadeur et coupé tous les ponts, dans l’espoir de changer le dirigeant syrien et d’apparaître comme le sauveur immaculé aux yeux du nouveau, la France s’est rapidement retrouvée dans une impasse. Non seulement il était difficile de trouver un successeur à Assad, mais surtout celui-ci, en dépit de la perte importante de territoires en Syrie, tenait le pouvoir à Damas et Alep et dans la région alaouite. La Syrie fut le terrain d’affrontement des Russes, des Américains, des Iraniens, de l’État islamique, mais, malgré tout, Assad est parvenu à conserver la direction des affaires.
Retour dans la Ligue arabe
Désormais que les derniers feux des combats s’estompent et que le bruit des armes s’éteint, il reste à étudier pourquoi Assad a réussi à tenir et comment il a pu se défaire des oppositions étrangères pour rester maître du pays. Face à cet état de fait (Bachar n’est pas parti), il est logique que les pays arabes réintègrent la Syrie en leur sein. Débutée en 2021, la réintégration s’accélère ces derniers mois. Ce fut d’abord dans des organismes culturels puis par l’ouverture d’ambassades à Damas et enfin par ce retour officiel au sein de la Ligue arabe, accueillie par l’Arabie saoudite.
Si Assad a été sauvé par la Russie en 2013, ce qui avait permis à Moscou de se placer au centre du jeu mondial, l’enlisement en Ukraine a depuis rebattu les cartes. Les Occidentaux ont autre chose à regarder que la Syrie, la Russie ne peut plus intervenir au Moyen-Orient et les pays arabes tentent d’être moins dépendant des États-Unis. En réintégrant la Ligue arabe, la Syrie se distancie de l’Iran et peut espérer des fonds et des financements des pétromonarchies, notamment pour reconstruire le pays. Pour les entreprises arabes du BTP, il y a là un marché juteux et des débouchés économiques alléchants.
Rebâtir le pays
Étant toujours sous sanction internationale, c'est-à-dire essentiellement américaine, la Syrie souffre toujours, non plus de la guerre, mais de cet embargo. La population manque des soins élémentaires, des médicaments et de l’énergie nécessaire au bon fonctionnement des hôpitaux et des infrastructures. Beaucoup de soins ne sont pas réalisés par manque de moyens.
Désormais, ce n’est plus la guerre qui tue, mais cet enfermement économique qui empêche le pays de se reconstruire.
L’économie stagne du fait de cet enfermement, ce qui maintient la pauvreté. Désormais, ce n’est plus la guerre qui tue, mais cet enfermement économique qui empêche le pays de se reconstruire. Le retour de la Syrie dans la Ligue arabe est donc le prélude espéré par Damas pour rouvrir les portes économiques afin de reconstruire et de relancer le pays. Il y a énormément à faire pour retrouver le niveau d’avant 2013.
Quant à la France, elle a perdu là-bas une influence et une amitié séculaire, qui avait commencé bien avant le mandat des années 1920. C’est peu dire que l’attitude de Paris a déçu, y compris dans l’élite francophone. Le lycée français de Damas a perdu sa superbe, les liens et les réseaux patiemment tissés ont été coupés. Or cette présence culturelle et économique est essentielle pour disposer d’une porte d’entrée en Syrie et donc au Moyen-Orient. Se couper de Damas a été une rupture profonde et majeure avec le monde arabe, que la diplomatie française a de plus en plus de mal à comprendre.