"Deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem" (Lc 24, 13). Ainsi commence le récit des pèlerins d’Emmaüs que la liturgie fait entendre à la messe du soir de Pâques. C’est en effet au soir de la résurrection que les deux disciples du Christ, dépités, s’en retournent chez eux. Dans un village qui, quand on lit l’évangile, semble facilement repérable et donc susceptible de laisser des traces aux archéologues.
Pourtant, chose assez rare dans le Nouveau Testament, Emmaüs n’a pas été formellement retrouvé. Aujourd’hui, ce sont même six sites différents qui revendiquent cet honneur d’avoir accueilli Jésus ressuscité. Les trois principaux, où s’élèvent aujourd’hui des sanctuaires et qui accueillent des pèlerins sont Nicopolis, Abu Gosh et Qubeibeh. Le premier est occupé par les Béatitudes, le second par des moines olivétains sur un domaine national français (une fierté, n’est-ce pas ?) et le dernier – malheureusement très isolé à cause du Mur de Séparation israélien – est le sanctuaire franciscain.
Une aide pour mieux comprendre le mystère de Dieu
Au-delà des débats historiques et archéologique, le chrétien se satisfait de cette situation. Pourquoi ne pas y voir un signe de Dieu, une aide pour mieux comprendre son mystère ? Comme dans le psaume – "Dieu a dit une chose, deux choses que j'ai entendues." (61, 12) – Jésus est apparu mais nos yeux ont vu six lieux différents. Dieu est un mais l’atteindre nécessite plusieurs voies.
Que nous dit de la résurrection cette équivocité historique ? Tout simplement que le Seigneur, parce qu’il est justement ressuscité, vivant à jamais dans un corps glorieux qui lui permet même de traverser les murs (cf. Jn, 20, 19), le soir de Pâques également, est sans cesse présent à nos côtés. Le péché originel avait éloigné l’homme de son créateur et l’avait soumis à la mort. Par le mystère pascal, en Jésus, Dieu vient sauver l’homme de la mort et demeure avec lui.
Se laisser enseigner par Jésus
C’est ce que la messe actualise : en célébrant la mort et la résurrection du Seigneur, elle donne aux fidèles la possibilité de demeurer en la présence du Seigneur qui va jusqu’à s’humilier dans un morceau de pain. Utiliser le récit des pèlerins d’Emmaüs comme une allégorie de la messe est ainsi tout à fait naturel : en disciples (remarquons d’ailleurs que le compagnon de Cléophas est anonyme) nous nous laissons enseigner par Jésus qui nous conduit par l’intelligence des Écritures à la table du sacrifice qui rend la vie.
Et si le Christ, depuis l’Ascension, ne se manifeste plus à nous en son corps glorieux mais dans l’hostie consacrée, il reste avec nous jusqu’à la fin des temps par l’Esprit saint, amour du Père et du Fils, que tout ce temps pascal qui commence nous fait attendre, et désirer.