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N’est-il pas paradoxal de célébrer la solennité de l’Annonciation, le oui sans condition que Marie répondit à l’ange du Seigneur, l’événement par lequel la joie est entrée dans le monde, tandis que tant d’inquiétudes de tous ordres touchent nos contemporains, et que tant de menaces semblent se répandre parmi nous ? Regardons Marie, jeune fille vierge, fiancée à Joseph, habitant à Nazareth, un village reculé de Galilée, loin de Jérusalem et des centres politico-religieux, cité proche de contrées païennes, au carrefour des nations, déjà une périphérie existentielle, propice à tous les métissages, lieu de réputation douteuse, au point que certains demanderont : "De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?" (Jn 1, 46). C’est pourtant là, dans ce lieu reculé et improbable, que le Seigneur envoie son messager à Marie.
Contemplons Marie
Marie peine à y croire et s’en trouve bouleversée. Franchement, ce n’est pas ici que l’on attendait l’ange du Seigneur venant dire : "Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi, il t’a choisie !" (Lc 1, 28). Le Seigneur a favorisé ce qui était petit et dans un lieu éloigné, et il continue à venir rejoindre aujourd’hui chacun des petits ou des pauvres, en qui il cherche à naître et à renaître, là où ils sont, dans les agglomérations urbaines, les immeubles, les bureaux, les hôpitaux, les prisons, les camps de réfugiés...
Comme le Seigneur est allé chercher Marie pour transmettre la joie qu’il destine au monde, ainsi fait-il envers chacun de nous, disciples de sa joie, là où nous sommes, malgré, ou peut-être à cause, de nos faiblesses et des difficultés. Mais demandera-t-on, comment vivrons-nous la joie de l’Évangile en des temps si troublés, dans nos villes menacées, dans un monde exposé aux conflits, aux crises politiques, aux désordres climatiques, aux épidémies ? Comment l’espérance est-elle possible, ici et maintenant, en des temps si menaçants ?
Si dans nos vies les circonstances deviennent difficiles, souvenons-nous alors de tout ce qu’il a déjà réalisé de grand pour nous-mêmes.
À nouveau, contemplons Marie. Elle aussi est bouleversée à la visite de l’Ange. Elle s’interroge et se demande : "Comment cela va-t-il se faire puisque je ne connais pas d'homme?" (Lc 1, 34). Elle finira enfin par consentir, et prononcera un oui qui l’engagera tout entière, permettant au plan du Salut de s’accomplir. Un oui qui donnera au monde une joie irrémissible. Marie dira : "Que tout m’advienne selon ta parole, je suis la servante du Seigneur" (Lc 1, 38).
Notre joie devient un rempart
Si dans nos vies les circonstances deviennent difficiles, si nous nous prenons à nous interroger, à nous demander ce que fait le Seigneur, pourquoi il semble si loin, comme Marie, souvenons-nous alors de tout ce qu’il a déjà réalisé de grand pour nous-mêmes, pour nos parents, nos grands-parents, tous ceux par qui nous avons, aujourd’hui encore, la grâce d’exister dans le plan de Dieu. Rappelons-nous que par la grâce de Dieu, nous appartenons, nous aussi, à un peuple immense, à une famille appelée à aimer et qu’on appelle l’Église, famille multimillénaire, présente en toutes nations et tous peuples, et surtout parmi nous, ici, dans nos paroisses, dans nos communautés, peut-être aussi dans notre famille de sang. Un lien très fort nous unit, lien nourri d’amour.
Enfin, si comme Marie, nous croyons que "rien n’est impossible à Dieu" (Lc 1, 37) et que nous nous laissons aider et conseiller, alors nous disposons de bien plus que nos seules forces et nos ressources limitées pour affronter l’épreuve. Notre joie devient un rempart (cf. Ne 8, 10). Nous devenons les alliés du Seigneur, amis et disciples qu’il recherche sans se lasser, dans nos quartiers et sur nos routes, pour vaincre les guerres, trouver la paix et gagner la joie. Beaucoup semblent demander : pourquoi Dieu est-il absent ? Du moins, pourquoi n’est-il pas plus présent ni plus visible, dans ce monde tourmenté ? Disons-le : le Seigneur ne nous annonce rien, sinon cette indéfectible offre d’amour, toujours disponible, juste à la portée de nos mains. Mais un amour qui demeure impuissant sans notre concours, sans notre oui, sans notre fiat. Avec Marie, redisons-le : "Oui, que tout m’advienne selon ta Parole !" (Lc 1, 38).