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Trois traits oubliés du magistère de Benoît XVI

papież Benedykt XVI
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Alex et Maud Lauriot Prévost - publié le 27/02/23
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Benoît XVI n’a pas seulement laissé un enseignement sur la liturgie, le lien entre la foi et la raison ou la dictature du relativisme. Sur le mariage, la place de l’Esprit saint dans l’Église ou la nouvelle évangélisation, il a été singulièrement novateur.

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Le retour à Dieu de Benoît XVI a permis à beaucoup de catholiques de rendre un riche hommage à ce théologien d’exception, véritable docteur de la foi et de l’Église catholique, interprète on ne peut plus pertinent et légitime sur le vrai sens du concile Vatican II, de ses textes et de ses intentions. Cependant, trois traits singuliers de sa pensée et de son magistère n’ont pas ou peu été soulignés dans les commentaires et les analyses de son héritage théologique et spirituel : ce qui a trait au mariage et à la sexualité ; ce qui a trait à la place et à l’importance de l’Esprit saint dans la vie de l’Église ; ce qui a trait à la nouvelle évangélisation.

1Le mariage, vocation missionnaire

Alliance Mariage Couple

S’agissant du mariage et de la sexualité, Benoît XVI approfondit et précise certains points ou ancrages théologiques ainsi que certaines implications pastorales de l’enseignement si novateur et profond de Jean Paul II en la matière. Nous retiendrons quatre éléments à titre d’exemple. Premièrement, l’essence et l’importance d’une chasteté bien comprise et au service de l’éros conjugal. Dans l’encyclique Deus est caritas, il écrit : ""Oui, l’éros peut nous élever “en extase” vers le Divin" dans la mesure où les époux s’engagent sur "un chemin de montée, de renoncement, de purification et de guérison", alors il "donne à l’homme, non pas le plaisir d’un instant, mais un avant-goût du sommet de l’existence, de la béatitude vers laquelle tend tout notre être" (n. 5). La chasteté des époux n’est donc en rien un éteignoir amoureux voire sensuel des époux, mais au contraire elle "enrichit le dialogue conjugal de la sexualité, le rendant spirituellement plus intense" tel que l’exprimait Jean Paul II.

Ensuite, le rôle déterminant de la foi chrétienne pour que fructifient chez les époux les grâces du sacrement de mariage, et réaliser en cela les aspirations profondes auxquelles ils aspirent légitimement : "La fermeture à Dieu et le refus du caractère sacré du mariage rendent très difficile la réalisation concrète du dessein originel de Dieu pour l’homme et la femme dans le mariage", c’est pourquoi "il y a une correspondance évidente entre la crise de la foi et la crise du mariage". Pour Benoît XVI, le chemin des époux pour réaliser le dessein éternel et universel de l’amour conjugal passe nécessairement par la voie même de Dieu : "C’est seulement en s’ouvrant à la vérité de Dieu, qu’il est possible de comprendre et de réaliser concrètement la vie conjugale et familiale" (Discours à la Rote romaine). 

Puis l’appel au mariage comme une vocation à part entière — "la virginité pour le Royaume de Dieu et le mariage sont toutes deux des vocations, des appels de Dieu auxquels chacun est appelé à répondre par et pour toute sa vie". Enfin, l’appel des époux à s’engager bien davantage dans la mission, notamment dans un renouveau de l’évangélisation du mariage, devenu selon un nouvel impératif pastoral : "Le couple est non seulement objet mais aussi sujet de la Nouvelle Évangélisation" (Discours d’ouverture du Synode sur la Nouvelle Evangélisation, octobre 2012).

2L’Esprit saint dans la vie de l’Église

Esprit-Saint

Pour ce qui a trait à la place et à l’importance de l’Esprit saint dans la vie et la conduite de l’Église, nous pouvons relever des éléments d’analyse d’une grande pertinence actuelle, notamment son décryptage des ressorts et de la source du puissant et surprenant réveil de l’Église à la suite du concile : "Au cœur de l’hiver" de la crise post conciliaire où l’Église ne goûtait plus "la nouvelle vitalité attendue du concile" mais plutôt — relève-t-il — la lassitude, le doute, la crise de la foi, les controverses, les divisions ou la remise en cause profonde, "voici que surgit brusquement quelque chose que nul n’avait prévu, voilà que l’Esprit saint avait, pour ainsi dire, demandé à nouveau la parole. Et une foi neuve poussait droit chez les jeunes sans “si” ni “mais”, sans faux-fuyants ni dérobades, dans toute son intégrité, ressentie comme un don et comme un cadeau précieux" (L’Irruption de l’Esprit-Saint, Parole et Silence, 2007).

3L’institutionnalisation de la nouvelle évangélisation

jeune femme en mission

Il faut ensuite évoquer ses diverses exhortations aux communautés nouvelles et nouveaux mouvements post conciliaires, l’analyse de leur grâce propre, l’identification de leurs charismes, de leur apport indispensable au nécessaire renouveau spirituel et missionnaire des diocèses et des paroisses, mais tout autant la nécessité pour eux d’un plus grand ancrage catholique de leurs charismes, de leur formation et de leur gouvernance, la nécessité pour eux de convertir "leurs erreurs de jeunesse" et donc leurs excès, leurs absolutisme, voire leur prétention et leur orgueil ; chacun sait combien Benoît XVI (puis François) s’y est employé avec courage et énergie, là où Jean Paul II vivait comme une sorte de déni face à des problèmes pourtant graves, voire des crimes dans certaines réalités (cf. Message aux mouvements ecclésiaux et communautés nouvelles, Pentecôte 2006).

Retenons enfin sa vision d’une ecclésiologie catholique saine et féconde lorsque l’Église est ancrée de manière équilibrée dans la foi du Christ et la vie dans l’Esprit, lorsqu’elle vit d’une plus grande complémentarité des grâces sacerdotales et hiérarchiques d’une part, et des grâces prophétiques et charismatiques d’autre part : "La confrontation entre les visions christologique et pneumatologique de l’Église apparaît au premier plan" du renouveau théologique et ecclésiologique contemporain. Dans l’histoire du Salut, "Dieu suscite continuellement des hommes prophétiques — qu’ils soient laïcs, religieux, évêques ou prêtres — qui proclament une parole providentielle qui, dans la vie normale de “l’institution”, n’aurait pas atteint une telle force" (Les mouvements d’Église et leur lieu théologique, Pentecôte 1998). Pourtant, souligne-t-il dans la plus pure tradition de l’Église, le prophète est soumis au pasteur, à son autorité et son mandat de discernement "savoir accueillir ce qui est bon et rejeter ce qui ne l’est pas", car l’histoire de l’Église, rappelle-t-il, est remplie tout autant de mouvements religieux particulièrement inspirés (franciscains, dominicains, cisterciens, jésuites, …) que d’autres bien plus problématiques, voire hérétiques (montanistes, cathares, vaudois, …).

Si la "Nouvelle Évangélisation" a été conceptualisée et développée par Jean Paul II, puis proposée par lui en 2000 comme axe pastoral central de l’Église pour le XXIe siècle (Novo millennio ineunte), c’est Benoît XVI qui a approfondi les sources profondes, conciliaires et apostoliques de la Nouvelle Évangélisation, en l’honorant d’un qualificatif des plus importants qui soit, à savoir de "plus beau fruit du concile" (Discours d’ouverture du Synode sur la Nouvelle Évangélisation, octobre 2012). Il en a de plus actualisé son impératif et sa mission : "L'ardeur apportée à la Nouvelle Évangélisation est notre meilleure contribution à l'épanouissement de la société humaine et la meilleure réponse aux défis de toute sorte qui se posent à tous en ce début du troisième millénaire […]. Elle doit mobiliser toutes les énergies de l'Église, l'action de ses pasteurs et de ses fidèles, en vue de l'animation en profondeur de la société (afin de) favoriser la redécouverte joyeuse et le renouvellement du témoignage de la foi, occasion privilégiée de partager ce que le chrétien a de plus cher : le Christ Jésus, Sauveur de l'homme" (Discours aux évêques français, visite Ad Limina, 30 novembre 2012). Benoît XVI a ainsi ancré cette intuition prophétique de son prédécesseur, d’une part dans la structure institutionnelle de l’Église (en créant en 2010 au Vatican le Conseil pontifical pour la Nouvelle Évangélisation), et, d’autre part, dans la synodalité apostolique en réunissant en 2012 le Synode sur la Nouvelle Évangélisation.  Ceci motivera d’autant plus le nouveau pape François à écrire un an plus tard l’exhortation apostolique post-synodale, Evangelii Gaudium, "La joie de l’Évangile", véritable texte-programme de tout son pontificat centré sur l’évangélisation et l’annonce de l’Évangile.

Quelques jours à peine après son élection en 2005, Benoît XVI confiait aux journalistes de la presse italienne son sentiment intime que sa mission "essentielle et personnelle" serait de déployer "le patrimoine richissime de l’enseignement de Jean Paul II qui n’est pas encore suffisamment assimilé par l’Église". Il percevait que le Seigneur l’avait appelé sur le siège de Pierre pour déployer la mise en œuvre d’un certain nombre d’intuitions prophétiques de son prédécesseur. Ce qu’il a effectivement fait, même si, de fait, Benoît XVI évidemment marqué son pontificat par son charisme propre et sa personnalité.

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