Dans ma vie d’avant, j’ai eu des moments de vraie aridité spirituelle.
Mais Inès n’a pas toujours été catholique. Élevée dans l’islam depuis sa naissance, la jeune femme ne doute pas, jusqu’en 2021, que la confession musulmane est la bonne. "S’il fallait croire en Dieu, c’était par l’islam, et pas ailleurs", se souvient-elle. La foi de cette brillante étudiante en philosophie était surtout intellectuelle. En relisant sa vie, elle réalise aujourd’hui que les expériences de foi qu’elle a connues étant enfant sont le signe que Dieu la préparait depuis longtemps à sa conversion. Elle se rappelle qu’à 7 ans, elle est dans une voiture avec son oncle quand tout à coup, elle est "complètement frappée par la foudre". Elle a alors le sentiment d’être "prise dans la puissance de Dieu". Ces moments se reproduisent à plusieurs reprises lors de son adolescence, période marquée de doutes. Inès raconte : "Dans ma vie d’avant, j’ai eu des moments de vraie aridité spirituelle." Avec le recul, la jeune fille arrive à mettre des mots sur ses périodes de doutes. "Je me suis éparpillée dans des tas de direction en croyant me chercher moi, sans voir qu'en amont il y avait un autre problème. Celui de savoir qui Dieu était pour moi, le rôle qu'il jouait dans ma vie et qui j'étais par rapport à lui, une question à laquelle l’islam ne donne pas de réponse."
Aujourd’hui, tout est plus clair pour Inès, qui a trouvé dans le catholicisme des ressources inestimables. Alors qu’elle avait "un peu une foi d’intello" auparavant, la conversion d’Inès a d’abord été spirituelle. Elle réalise que "sa façon d’habiter sa propre intériorité n’est pas du tout la même" depuis qu’elle est chrétienne. Sa foi est beaucoup plus incarnée, sa relation à Dieu elle aussi a beaucoup changé. Particulièrement sensible au mystère de la croix, elle se sent en permanence accompagnée par Dieu, notamment dans la souffrance. Appelée et touchée par le Christ, elle explique : "Jésus, c'est la personne de la Trinité qui m'a réconciliée avec Dieu."
Si Jésus n’était pas venu me sauver, je pense que j'aurais fini par perdre la foi
C’est en première année de prépa littéraire, alors qu’elle traverse une épreuve particulièrement difficile, que la vie d’Inès prend un tournant considérable. A ce moment-là, la jeune fille rejette Dieu, le rendant responsable de sa douleur. "Si Jésus n’était pas venu me sauver, je pense que j'aurais fini par perdre la foi", conclut-elle aujourd’hui. Un jour de profond désespoir, elle entre dans une église. Le regard fixé sur une croix, elle ne "voit" rien, mais elle entend. Aussi sûrement que si quelqu'un lui parlait, elle sent que Jésus lui propose de tout lui déposer : "Tu n’es pas obligée de porter ça." À l’instant où elle sort de l'église, Inès sait bien que "quelque chose a très brutalement changé".
Quelque temps après sa première conversion, Inès fait de nouveau face aux épreuves et à l’incertitude. Une nouvelle fois, le Christ vient la chercher "d’une manière un peu différente de la première fois, qui était très belle et très gratuite". C’est alors qu’elle se dit : "tant pis pour les parents". Elle tombe sur cette parole : "Qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas propre au royaume de Dieu", qui résout tout pour elle. "On n’a pas coupé les ponts, mais ça n’est pas simple." Les rapports sont compliqués avec sa famille, toujours musulmane pratiquante. Inès prie tous les jours pour leur conversion, ainsi que pour celle de tous les musulmans. Le sens de la communauté propre au christianisme, elle le vit donc avec ses amis et son aumônerie. "Cette joie de partager la foi avec les frères, le corps, la communion des saints qui permet le lien", elle ne l’avait pas dans l’Islam, "religion assez individualiste".
Une lectrice des vies de saints
Aujourd’hui, Inès lit régulièrement des vies et des écrits de saints. Elle confie trouver "une richesse inestimable" dans les écrits de saint Alphonse de Liguori. "Je crois qu’il m’a touché à cause de mon rapport à l’épreuve toujours très compliqué." Ce saint l’a aidé à accepter qu’"on ne choisit pas ses croix", et que "c’est par les croix les plus douloureuses qu’on est le plus sanctifié". Inès témoigne : "C'est très difficile de dire avec une unité de cœur parfaite Seigneur merci pour cette souffrance, parce qu’elle me rapproche de toi si j'en fais un bon usage."
Son Évangile préféré ? Celui de Saint-Jean, "d’une beauté que je trouve extraordinairement troublante, plus je le lis moins j’ai l’impression de comprendre". Inès a l'impression d’avoir été accompagnée longtemps par Saint Thérèse de l’Enfant Jésus. Inès retire de sa vie une grande leçon sur la sainteté. Elle s’exclame : "Sainte Thérèse, elle est tellement parfaite ! Quelle difficulté spirituelle peut-elle bien avoir dans son existence ?" Derrière les abords "un peu lisses" se trouve en fait une vie intérieure d’une ampleur immense, "simplement plus cachée car c’est beaucoup plus dans le mystère de Dieu". dit-elle. Au quotidien, Inès constate une multitude de "petits signes extrêmement frappants", mais aussi certains textes dans la lecture du jour qui se révèlent "extraordinairement ajustés" à ce qu’elle vit.