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Élu pape le 3 septembre 1914, au moment même où la Grande Guerre prend un virage avec la bataille de la Marne et où se dessine la vision d’un affrontement long, Benoît XV ne tarde pas à condamner la guerre de façon immédiate et définitive. Dès le 8 septembre, il publie une exhortation pour condamner la guerre, cette guerre de masse entre chrétiens, en des termes vigoureux et sans équivoque : "Le spectacle monstrueux de cette guerre, dans laquelle une si grande partie de l’Europe, ravagée par le fer et le feu, ruisselle de sang chrétien."
Jusqu’à la fin, le Pape continue à dénoncer fermement le conflit, mais il n’évoque jamais les causes de la guerre et refuse absolument le jeu venimeux des pays européens qui s’acharnent à rejeter toutes les responsabilités sur l’ennemi. Benoît XV souhaite maintenir la papauté au-dessus de cette violence intellectuelle et morale qui n’est que le prolongement de la violence physique vécue dans les tranchées. En même temps, il ne prend jamais position directement face aux événements liés à la guerre. S’il rappelle sans cesse l’obligation de respecter le droit et la justice, il ne condamne jamais en les nommant telle ou telle exaction de l’un ou l’autre camp. Pour Benoît XV, la guerre est provoquée par l’absence de fraternité, le mépris de l’autorité, l’injustice entre les citoyens et l’appétit désordonné des biens périssables, c’est-à-dire le matérialisme et l’oubli de Dieu, ce qu’il résume par cette formule : "l’humaine démence". Cela seul suffit, et la papauté se doit de rester impartiale dans ce chaos.
Cette attitude, pour sage et juste qu’elle soit, ne vaut à Benoît XV que déboires et désillusions. En effet, les deux camps en présence souhaiteraient que le pape prenne parti en leur faveur. D’un côté, la France et ses alliés ne comprennent pas pourquoi le pape ne dénonce pas la violation de la neutralité belge par l’Allemagne en août 1914. De l’autre côté, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie ne comprennent pas pourquoi le Pape ne soutient pas le seul pays officiellement catholique (l’empire autrichien) face à l’Angleterre protestante, la Russie orthodoxe et la France athée et anticléricale. La position de Benoît XV est ainsi particulièrement inconfortable. Il est incompris, critiqué, et même fortement attaqué, à la fois par les opinions publiques manipulées par la presse, mais aussi par les fidèles, et même par les différents clergés nationaux.
Un pasteur universel
Pourtant, cette impartialité est nécessaire à plus d’un titre. D’abord parce que Benoît XV se considère comme le pasteur universel et, de ce fait, il doit prendre soin de toutes les brebis que le Christ lui a confiées, sans en préférer aucune, sans en rejeter aucune. D’autre part, son refus de se positionner en juge lui permet de maintenir un caractère supranational qu’il utilise pour œuvrer en faveur de la paix. En effet, pendant toute la durée du conflit, le Pape exerce une intense activité diplomatique, attentivement étudiée par l’historienne Nathalie Renoton-Beine. Benoît XV promeut ainsi l’idée de paix de compromis, de laquelle les deux camps ennemis sortiraient la tête haute en trouvant ensemble un accord de paix, dans un esprit d’équité, pour le bien des peuples et des Etats. Le Pape craint une paix de victoire qui écraserait et humilierait les pays vaincus, et alimenterait rancune et haine.
Toutes les tentatives de Benoît XV sont malheureusement vouées à l’échec. Voyant cela, le pape ne se décourage pas et décide de se tourner vers une diplomatie de l’assistance, pour tenter, au moins, d’atténuer les maux de la guerre, selon sa propre expression. C’est ainsi que le Vatican organise des échanges de prisonniers via la Suisse ; participe au secours des population belges et françaises qui vivent sur les territoires envahis ; ravitaille les enfants autrichiens qui souffrent de la famine. L’impartialité dans laquelle Benoît XV sut maintenir la papauté pendant la guerre fut sur le moment très largement vilipendée par ses contemporains. Elle eut cependant un effet considérable sur le long terme en permettant au Vatican de se rapprocher des pays en guerre, de se positionner au cœur des relations internationales, et d'asseoir définitivement son autorité morale.