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Depuis quatre mois, depuis deux ans, depuis cent ans, la guerre fait rage ici, en Arménie. Par des conflits plus ou moins ouverts, plus ou moins proches des frontières, plus ou moins sévères, mais plongeant toujours un peu plus ce pays, merveilleux et meurtri, dans la tristesse, la peur et la misère.
De siècle en siècle, sa superficie se réduit, ses forces vives aussi, et il pourrait être amené, un jour, à disparaître.
Ayant lié ma vie le temps d’une année à cette belle nation et éprouvant pour ses habitants une profonde affection, je me sens extrêmement solidaire de ce peuple qui, par son sens de la défense et de l’espérance, fait toute mon admiration. En même temps, je perçois mon impuissance à venir en aide à cette population.
Défendre militairement un pays est un métier que je n’ai pas appris. Je n’ai pas vu partir vers l’incertitude du front un fils, un frère ou un mari. Ma famille n’a pas été séparée par une rangée de militaires armés et de camions blindés. Et nous avons encore du gaz et de l’électricité dans la région où je vis.
Alors comment prendre part à cet effort de guerre auquel les Arméniens sont soumis de diverses manières et depuis si longtemps ? Comment apporter ma pierre à l’édifice de l’aide humanitaire fournie par de précieux volontaires, journalistes, et militaires venant des quatre coins du monde pour œuvrer quotidiennement ?
Prendre soin, concrètement, d'une nation
Peut-être, justement, en soignant. Soigner dans un pays en guerre est un engagement.
L’engagement de prendre soin de cette nation très concrètement: d’une part à travers ses blessés, ses vieillards ou ses enfants. À petite échelle, on espère qu’en mobilisant une épaule, en repositionnant un pied, en essuyant une visage, c’est la plaie de tout un pays que l’on vient à panser.
Et l’on se rend compte que l’on agit aussi en faveur de l’Arménie plus largement; en partageant la chambre d’hôpital d’une mère de famille venue tout droit d’une région encerclée par l’ennemi, ayant effectué sept heures de trajet accompagnée de sa fille afin de la faire soigner dans la capitale.
Mais également en souriant à ce blessé de guerre, à peine plus âgé que le petit compatriote arménien allongé dans le lit voisin que je viens visiter au coeur d’une unité de soins dont la spécificité est d’entasser et entremêler amputés et traumatisés, très jeunes et très âgés, ceux qui sont arrivés il y a deux mois et ceux qui sont arrivés ce matin.
Mais également en allant rendre visite à une collègue du personnel soignant, et en découvrant que cette dernière ne vit qu’avec la moitié de sa famille, les autres membres de la fratrie étant retenus de l’autre côté du corridor imposé par l'Azerbaïdjan. Il y a si longtemps qu’elle ne les a pas vus ni même entendus. Leurs chaises vides prennent tant de place autour de la grande table où je suis généreusement reçue, et leurs noms occupent tout l’espace dans nos échanges parfois émus.
Également en prenant des nouvelles régulièrement auprès de cette collègue infirmière dont le fils d’à peine 17 ans reviendra de son service militaire avec des séquelles qu’il portera dans sa chair, peut-être définitivement.
Enfin, et véritablement, en espérant, en priant, en réconfortant, en posant une main sur l’épaule de ce petit enfant arménien que je soigne ce matin. Et c’est tout le pays qui s’en montre reconnaissant.