Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi la vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
C’est un des effets de la déchristianisation, qui ne finit pas de s’accentuer, en France notamment. Certains s’approchent de l’Église pour demander des sacrements, sans toujours savoir à quoi ils correspondent et sans conscience de la conversion que cela suppose. Ils mettent alors dans une situation délicate les chrétiens ou les prêtres qu’ils rencontrent, partagés entre le désir de faire profiter le plus grand nombre de la grâce divine sans pour autant la brader.
À tel point que, pour Mgr Daucourt, évêque émérite de Nanterre, ce dilemme fait partie du "poids du jour" des prêtres. Il explique, dans son dernier ouvrage, Prêtres en morceaux : "Devant le constat du peu de personnes ayant une relation avec le Christ", certains prêtres se découragent et "se demandent à quoi ils servent et finalement ne croient plus à leur ministère." Au contraire, ajoute-t-il, "d’autres ont la tentation de prendre des mesures sévères pour l’accès aux sacrements avec le risque de couper le lien ténu qui relie ces ‘baptisés non chrétiens croyants’ avec le Christ et l’Église et l’illusion de vouloir une Église ‘de vrais chrétiens’".
Le baptême ne peut être refusé à personne
Il est difficile de chiffrer le nombre de sacrements refusés, mais il est sûr que la chose n’est pas très répandue. Quand le cas se présente, il est d’ailleurs cause de bruit médiatique : en 2009, plusieurs médias nationaux s’étaient fait l’écho d’un refus de baptême à Nantes. À l’époque, Mgr Soubrier, évêque dudit diocèse, expliquait : "Nous sommes face à un malentendu sur le sens du baptême. On ne peut pas dire : “On accueille et on verra bien ensuite”. Il faut un espoir fondé de découverte de la foi."
Si des parents ne comptent pas éduquer leur enfant dans la foi, il devient légitime de se demander s’ils ont vraiment le désir du sacrement
Dans le cas du baptême, effectivement, le droit canonique stipule qu’on ne peut le refuser à personne (§ 843). Mais les articles suivants ajoutent que cela suppose la volonté d’éduquer chrétiennement son enfant, dans le cas des tout-petits. Si des parents ne comptent pas éduquer leur enfant dans la foi, il devient légitime de se demander s’ils ont vraiment le désir du sacrement, parce que la grâce reçue doit pouvoir s’épanouir au-delà de l’événement en lui-même. Et parce que cela serait contradictoire : comment peut-on vouloir que son enfant soit chrétien sans vouloir lui faire découvrir, d’abord par l’exemple, ce qu’est la foi ?
En théorie, le prêtre peut donc refuser le baptême pour cette raison, mais la décision est difficilement compréhensible pour l’entourage du tout-petit. De sorte que le ministre soit baptise de toute façon, pour laisser agir la grâce et ne pas en priver un enfant, ou bien essaye de trouver une solution qui ne brade pas le sacrement mais n’effraie pas les parents : leur demander de s’engager davantage dans la préparation, s’assurer que les aînés du baptisés soient au catéchisme, ou bien le retarder.
Un réel désir de recevoir le sacrement du mariage
Pour ce qui est du mariage, les refus sont finalement liés aux mêmes problèmes de compréhension et de liberté, et tout aussi rares, notamment parce que le nombre de demandes baisse tous les ans. Là aussi, le prêtre qui reçoit des futurs mariés doit s’assurer, non pas de leur perfection – ce serait sûrement trompeur – mais de leur réel désir de recevoir, à travers le sacrement, la grâce du Seigneur pour vivre en époux chrétiens, unis indissolublement et librement, ouverts à la vie et désireux de transmettre la foi à leurs potentiels enfants.
S’ajoutent des contraintes plus matérielles (nécessité d’être confirmé, consanguinité, impuissance, disparité de culte…) mais le principal reste la possibilité que la grâce agisse dans des cœurs disposés. Une fois de plus, c’est au ministre de discerner le bien-fondé de la demande et de l’ajuster éventuellement, voire de la refuser. Au fond, la question est celle qui a agité l’Église au sujet des divorcés-remariés pendant le Synode sur la famille. Le pape François a voulu y apporter une forme de réponse dans le chapitre VIII d’Amoris laetitia en appelant chacun à un discernement pastoral qui s’adapte à toutes les situations qui se présentent. Il l’exprimait déjà au début de son pontificat (Evangelii gaudium, § 47) :
"Même les portes des sacrements de devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison. […] Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs."
Il n’existe donc pas, à proprement parler, de règles précises sur le refus des sacrements. D’autant moins que la voie évoquée par le Saint-Père entraîne parfois une disparité de pratiques entre différents diocèses, paroisses voire prêtres, et n’encourage pas les évêques à prendre des décisions claires en ce domaine. L’Église, et ça n’a pas toujours été le cas, est donc actuellement plutôt libérale. Au risque de ne pas encourager les fidèles et les personnes plus éloignées à se convertir franchement. Au risque d’un certain subjectivisme. Au risque, enfin, de faire oublier que l’amour de Dieu appelle une réponse claire de notre part, manifestée par la conversion sans cesse inachevée de nos existences. Mais, ne veut-on pas pouvoir offrir au plus grand nombre la grâce de Dieu ?