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Pourquoi le christianisme place-t-il le mort au centre de ses rites ?

The body of Pope Emeritus Benedict XVI lies in state at St. Peter's Basilica in the Vatican
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Christian de Cacqueray - publié le 04/01/23
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Le corps de Benoît XVI exposé devant le monde entier est un message. Christian de Cacqueray, fondateur du Service catholique des funérailles, explique pourquoi la présence incarnée du défunt reste centrale dans les rites du christianisme.

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L’exposition de la dépouille de Benoît XVI dans la basilique Saint-Pierre, comme il est de coutume pour tous les papes défunts, manifeste au monde combien le catholicisme est une religion de l’incarnation. Et de l’incarnation jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à la tombe. Le Christ en fut le premier exemple, alors que le supplice de la croix le destinait immanquablement à la fosse commune, et dont la dépouille reçue pourtant des soins post mortem. Ceux-ci furent prodigués, selon la tradition juive de l’époque, par deux dignitaires qu’étaient Joseph d’Arimathie et Nicodème, avant son inhumation dans un caveau neuf. 

La dignité absolue de toute personne

Depuis lors, avec des modulations selon les époques et les cultures, le catholicisme a ritualisé un parcours funéraire qui place le corps mort au centre du pèlerinage que constituent les funérailles. Du lit du défunt au cimetière, en passant par l’église du quartier, la présence incarnée du défunt reste centrale. Et si la réforme protestante a banni les cercueils des temples pour manifester qu’une fois mort, tout est entre les mains de Dieu, il est intéressant de relever que ce comportement connaît aujourd’hui de nombreuses exceptions. 

Alors pourquoi le christianisme dans son ensemble, place-t-il le cadavre au centre de ses rites ? D’abord, pour manifester publiquement le respect dû à toute dépouille mortelle. Temple de l’Esprit, sa mise en valeur revient à rappeler la dignité absolue et inaliénable de tout être humain. Et je pense, a contrario, à l’effet si profondément traumatisant du traitement inhumain des défunts abandonnés sans sépulture, lors des génocides. 

Dans la mort, les liens de l’esprit

Ensuite, la vue de la dépouille confronte les vivants au sens de leurs existences. On pourrait même dire qu’elle adresse à chaque vivant qui s’y confronte une parole personnelle qui peut contribuer à redonner vie à ce qui en lui partait vers le néant. Elle l’invite à croire que dans la mort, la relation dans l’ordre de la chair, peut laisser place à la relation dans l’ordre de l’esprit. Long apprentissage que l’on nomme chemin de deuil, sur lequel chacune des histoires humaines est singulière.

L’exposition du corps mort du pape émérite Benoît XVI, porte au monde un message universel sur l’homme

Antonin Sertillanges, prêtre dominicain mort au milieu du siècle dernier, évoque subtilement le Ciel qui, à l’occasion d’un deuil, devient familier : "C’est la maison de famille, ajoute-t-il, la maison en son étage supérieur […]. Et du haut en bas, le souvenir, les secours, les appels se répondent." Or, ce n’est pas un hasard, je crois, si la Modernité, notamment dans les grands centres urbains, rejette les morts à la périphérie, dans des lieux où ils sont concentrés, loin de la vie sociale. Là, dans une technicité, doublée d’un hygiénisme triomphant, la parole que porte toute mort, à destination des vivants, peine à se faire entendre, tant tout contribue à l’étouffer.

Dans ces conditions, l’exposition du corps mort du pape émérite Benoît XVI, porte au monde un message universel sur l’homme, son destin, sa fragilité et sa transcendance. Belle tradition en somme, d’une grande actualité. 

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