Nourris par ce texte qui servait de ressource dans nos aumôneries, nos groupes Even, nos sessions et pèlerinages, nous avons pris goût à l’enseignement de ce pape à la pensée exigeante et claire. Spe Salvi et Caritas in Veritate nous renforçaient dans la compréhension et la pratique des vertus théologales tandis que, comme théologien, Joseph Ratzinger nous donnait à contempler avec les deux yeux de la foi et de la raison, la figure de Jésus de Nazareth lui-même (Parole et Silence, 2012).
Une foi nourrie par la raison
À travers ces textes mais aussi tant de discours déterminants comme ceux de Ratisbonne, des Bernardins et celui, jamais prononcé hélas, de la Sapienza, nous mesurions combien ce pontificat nous invitait à une foi profondément nourrie par la raison afin de rester fermes dans un monde sécularisé, sans irénisme ni raideur.
La foi et la raison étaient sauves dans leur ordre propre et leur articulation, l’enseignement de l’Église nous apparaissait dépoussiéré des querelles des dernières générations
En un sens, Benoît XVI semblait écrire, avec une maestria et une clarté remarquables, la conclusion des XIXe et XXe siècles européens dans leur rapport à la foi chrétienne marqué par le modernisme et l’intégrisme. La foi et la raison étaient sauves dans leur ordre propre et leur articulation, l’enseignement de l’Église nous apparaissait dépoussiéré des querelles des dernières générations et la liturgie elle-même indiquait cette respiration nouvelle. Elle n’avait pour finalité ni de nous dire nous-mêmes, ni d’expérimenter des modes d’expression de la foi, mais de nous ancrer dans le Mystère du Christ en puisant dans les trésors, vivants et renouvelés, que l’Église avait patiemment reçus et façonnés. Les JMJ du pape Benoît XVI et tout particulièrement celles de Madrid rassemblaient dans la joie ces traits saillants du pontificat. Firmes en la fe, chantions-nous en Espagne, mais pour mieux nous taire devant le Saint-Sacrement exposé à tous lors de l’inoubliable et tempêtueuse veillée.
À sa juste place
N'était-ce pas, au fond, un avant-goût de la démission à venir ? Loin de l’image absolutisante de la papauté qu’on a voulu lui associer, le pontife, moins souverain que jamais, a su lui-même se taire et s’effacer, convaincu que le seul Pasteur de l’Église continuerait de la conduire et que l’Esprit Saint susciterait un homme à l’énergie intacte pour faire face aux défis du XXIe siècle. Il a, ce faisant, remis la figure du pape à sa juste place et cela devait certainement infléchir définitivement notre rapport à la papauté. Le serviteur de l’unité de l’Église, qui raffermit ses frères par sa parole et son agir, ne fait que passer… Stat Crux ! Dès lors, si l’heure est à l’action de grâces pour cette vie édifiante et cet enseignement incomparable, nulle place ne peut être sérieusement laissée à la nostalgie ou à la complainte. C’est au Christ, qui ne passe pas, que doit aller notre attachement. En cela et sans minimiser leurs différences de style et de tonalité, le pontificat de Benoît XVI nous préparait à entendre l’appel de François à aller aux périphéries. Nous y aurons un nouvel intercesseur !