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Elle est là, tout sourire : nos regards se croisent dans le miroir devant lequel elle m’a invité à m'asseoir. "Ça fait longtemps que je ne vous ai pas vu... ça va à l’église, vous avez dû avoir du travail pour Noël ?" J’esquisse quelques commentaires sur les célébrations et sur la vie de la paroisse. Elle les écoute avec un sourire de plus en plus large, commençant à tailler dans la tignasse de mes cheveux. Un silence. Elle reprend : "Eh bien moi, je viens de reprendre après mon congé maternité." L’insistance de la voix sur les deux derniers mots provoque en moi une confusion immédiate. "Mais oui, bien sûr ! Alors tout s’est bien passé ? C’est un garçon ou une fille ?" Pour masquer mon remord d’avoir oublié cet événement essentiel, je la bombarde de questions. Elle ne se fait pas prier, jeune mère d’un premier-né.
La force de l’Amour
"Il est si beau... mais tellement beau. Tenez, vous voyez, on me dit souvent que j’ai de beaux yeux. Et bien les siens sont encore plus beaux ! Et puis il est si câlin... il sourit toujours. Vous savez, il s’endort dans mes bras. C’est... comment vous dire ? c’est presque divin." Les minutes s’écoulent, illuminées par la présence de ce petit. Elle dit : "Il ne manquera de rien. Mais pas question non plus qu’il soit un petit roi. Je lui apprendrai à faire la cuisine mais aussi la vaisselle. Il faudra qu’il prenne sa part..." Je lui demande comment va le papa. Elle me corrige, un peu étonnée que je ne m’en souvienne pas : "Mais il n’y a pas de père. Vous savez bien, on en avait parlé : je l’ai eu toute seule." Décidément, il faudra que je rafraîchisse mes neurones...
Elle l’a voulu cet enfant et elle le voulait seule. Peut-être me dit-elle qu’il y en aura un autre d’ici quelques années, si avec celui-ci tout se passe bien. Pour l’heure, elle se prépare à partir avec le petit pour quelques jours en mars, au bord de la mer. Pour qu’il puisse voir "comme le monde est beau". La possibilité d’un baptême ? "Ah oui, peut-être, il faudra voir... Mais moi je crois à la force de l’Amour. C’est cette force-là qui est la plus grande protection et le guide pour la vie."
Serviteurs de la Parole
En sortant du salon de coiffure, je laisse résonner en moi ces dernières paroles, auxquelles se mêle l’exultation maternelle. L’année qui s’annonce nous conduira un peu plus loin sur des chemins où la technique et le progrès scientifique promettent bien des possibles. Avec, au cœur, cet émerveillement devant la vie qui naît et cette émotion qui étreint ceux qui regardent le petit être en se demandant ce qu’il deviendra.
Peut-être devrions-nous accepter de sortir d’un langage qui veut tenir la Parole de Dieu dans une cohérence souvent trop humaine.
Paradoxe de l’hyper-maîtrise matérielle à laquelle nous tenons tant et de l’absolue incapacité à maîtriser ce « devenir » d’un être dont le présent nous dépasse déjà. À l’image de ce « décrochage » d’une Église qui parle une grammaire qui n’est plus, depuis quelques temps déjà, celle qu’utilise l’immense part de la société à laquelle nous voudrions nous adresser. Peut-être devrions-nous accepter de sortir d’un langage qui veut tenir la Parole de Dieu dans une cohérence souvent trop humaine. Peut-être devrions nous-mêmes demander qu’en cette année à venir, nous puissions être davantage serviteurs de la Parole et non nous comporter comme si nous en étions les auteurs ou les seuls traducteurs autorisés.