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Noël est connu pour faire pleuvoir des grâces sur ceux qui en font la demande. A l'instar de l'aveugle guéri par Jésus, demandons, pendant ce temps de l'Avent, notre propre guérison, notre propre conversion pour mieux voir le Christ à l'œuvre dans nos vies aujourd'hui. Ce conte de Charlotte Grossetête, publié dans Le Compagnon de l’Avent 2022 (Magnificat), nous plonge dans le récit de l'aveugle et illustre bien la joie et la gratitude du miraculé.
Guérison
« Je vois!
Des enfants qui jouaient au bord du bassin rirent de le voir si gai. Comme leurs fossettes étaient jolies! Et ce pétillement de leurs prunelles!
‒ Je vois! répéta-t-il, euphorique.
Il s’éloigna de la fontaine, avide d’images. Jérusalem avait toujours été un labyrinthe familier peuplé de sons, d’odeurs et de goûts, de dallages frais ou brûlants à fouler et de chocs à éviter. La ville prit soudain pour lui une autre dimension. Formes, silhouettes, lignes de perspective, ombres et clartés: tout lui sautait aux yeux ! Lorsqu’il déboucha devant le Temple, il s’arrêta, saisi par la splendeur de l’édifice.
‒ Je vois! s’exclama-t-il, au comble de la joie.
Deux pharisiens s’approchèrent de lui.
‒ Qui a fait cela, un jour de sabbat? interrogea sévèrement le premier.
Le second susurra :
‒ Qui s’est permis de soigner cette cécité voulue par… »
Il s’interrompit avec ostentation, car un pharisien bien né ne prononçait pas le nom de l’Éternel. Le regard noir de ces dévots éclipsa la lumière neuve qui baignait le monde. L’aveugle guéri savait déjà à quoi s’en tenir avec les pharisiens: le son de leur voix permettait de sonder leur cœur. Mais ces beaux visages durs furent la première
image que l’homme regretta de voir. « La perfection n’est pas de ce monde », soupira-t-il en son for intérieur.
Les pharisiens le pressèrent de questions, sur ses parents, sa famille, sa guérison. Ils lui demandèrent s’il avait conscience d’être un grand pécheur. Il répondait poliment, comme il convient de répondre aux puissants. Il détournait parfois le regard pour glaner des images réconfortantes, mais la joie n’y était plus. Les pharisiens se mirent en quête de la personne qui était cause de ce scandale. Il les suivit docilement. L’homme qui lui avait enduit les yeux de boue ? On le disait nomade. Comment espérer le retrouver au même endroit? Il le guettait tout de même, le cœur battant, et le repéra longtemps avant ses interrogateurs: en gagnant la vue, il n’avait pas perdu le surcroît de finesse qui compensait sa cécité.
Il courut se prosterner devant Jésus de Nazareth.
« Tu m’as guéri, Rabbi, moi qui suis petit et pécheur. Merci.
Jésus lui sourit:
‒ Ta foi t’a sauvé. Va en paix. »
À ces mots et devant ce visage, une pensée traversa l’âme du miraculé : « Si, la perfection est de ce monde, puisque je la vois de mes yeux. » La joie revint en lui, une joie que rien ni personne ne pourrait plus éteindre.