Léa, 32 ans, assistante de direction, ne supporte pas qu’on la fasse attendre. "Petite fille, dès que je voulais quelque chose, je l’obtenais. Mes parents ne m’ont pas beaucoup appris à patienter. Adulte, ce réflexe de vouloir “tout, tout de suite” est bien ancré en moi… qu’il s’agisse d’une paire de sneakers que je veux acheter dans l’instant, d’une réponse par texto sur le champ ou d’un projet professionnel qui doit se concrétiser au plus vite… Résultat : je suis sous pression permanente, en créant moi-même des montées de stress qui pourrissent mon quotidien", confie-t-elle à Aleteia.
Attendre pour vivre dans la joie
Comme Léa, de plus en plus de personnes cherchent à prendre de la distance par rapport à leur quotidien trop fiévreux et dispersé. Certains laissent tomber leur smartphone (ou le mette bien au fond d’un tiroir) pour ne plus être accro au fil d’actualité ou aux textos qui font une intrusion continue dans notre quotidien. Certes, ce n’est pas une révolution, mais quelque chose est peut-être en train de changer. N’est-il pas le temps de redécouvrir la joie d’attendre : une lettre, une rencontre, une éclaircie, voire la vie éternelle… ?
"Dans un monde fébrile qui calcule et programme, l’attente nous dégrise de l’illusion de posséder et de garder quoi que ce soit. Elle rappelle que nos sentiments les plus élevés, nos gestes les plus nobles, s’offrent en pure perte, que nous subsistons toujours à la grâce de Dieu et par la grâce de Dieu", écrit Jacqueline Kelen, dans son livre Grandeur de l’attente (Cerf).
Attendre pour laisser faire l’inattendu
Bien sûr, il y a des attentes ordinaires du quotidien : files d’attente dans les musées, salles d’attente chez le médecin, listes d’attente pour être admis dans une institution ou une université. Ou celles des rendez-vous fixés, ou bien des jours J bien marqués dans les agendas : mariage, anniversaire, Noël...
Mais il existe aussi une autre attente qui bouscule toute chronologie, et qui est hors-temps : une attente de l’être profond. Une attente qui "ne nous demande rien que de la laisser faire, le temps qu’il faut, les nuits qu’elle doit", comme le décrivait Christian Bobin, qui avait banni les e-mails et les portables pour ne correspondre que par courrier postal :
Sans doute l’avez-vous remarqué : notre attente — d’un amour, d’un printemps, d’un repos — est toujours comblée par surprise. Comme si ce que nous espérions était toujours inespéré. Comme si la vraie formule d’attendre était celle-ci : ne rien prévoir — sinon l’imprévisible. Ne rien attendre — sinon l’inattendu." (L’éloge du rien, Christian Bobin).
Attendre pour célébrer l’impérissable
Pour apprendre à savourer l'attente, se laisser surprendre par elle, il est temps de se détourner des plaisirs éphémères et des satisfactions trompeuses, insiste Jacqueline Kelen. Car l’attente est une "ascèse autant qu’une ascension qui célèbre ce qui demeure inaccessible et impérissable". Elle ne cherche à rien prendre ni à posséder.
Attendre pour écouter battre son cœur
Attendre, c’est devenir l’auteur de sa propre vie, affirme de son côté le philosophe Nicolas Grimaldi dans son ouvrage Ontologie du temps. L'attente et la rupture. Pour lui, l’attente a une raison d'être existentielle. Elle est un "moyen de comprendre que nous sommes sur Terre pour un temps limité. Il faut donc prendre le temps d'écouter battre son cœur."
Attendre pour raviver son âme
L’attente n’a rien d’un calme plat ! "Elle représente un temps vif qui requiert vigilance et fermeté de l’âme", insiste encore Jacqueline Kelen. "En rappelant à l’homme sa situation précaire et périssable, l’attente est apte à raviver son désir d’éternité. Inaltérable, l’attente murmure ce “quelque chose qui ne veut pas mourir. Heureux ceux qui connaissent encore la joie d’attendre !”"
Découvrez douze pensées lumineuses des grands saints pour apprendre à attendre :