Les images aériennes du site d’Al-Siniyah laissent imaginer l’organisation de ce qui apparaît comme un véritable complexe architectural : une église à nef unique dans laquelle se rassemblaient sans doute les fidèles, plusieurs salles contiguës abritant, semble-t-il, des fonts baptismaux ainsi qu’un four à pain – peut-être pour les besoins du culte. Les restes d’un autre bâtiment de quatre pièces avec cour intérieure sont également visibles ; il pourrait s’agir de la résidence du responsable du monastère – un père abbé ou un évêque. À proximité de l’église, se trouve encore un ensemble de constructions que les archéologues identifient à un village pré-islamique.
Et elle corrobore déjà une certitude : ce “creuset de nations” que représente aujourd’hui la péninsule arabique était déjà une réalité il y a plus d’un millénaire.
Les fouilles, qui se poursuivent encore, ont été en partie parrainées par le ministère de la Culture émirati. Pour le professeur Timothy Power, qui y participe, cette découverte est d’autant plus fascinante qu’elle se rattache à un pan méconnu de l’histoire de cette région. Et elle corrobore déjà une certitude : ce "creuset de nations" que représente aujourd’hui la péninsule arabique était déjà une réalité il y a plus d’un millénaire.
La présence chrétienne en Arabie pré-islamique
L’histoire du christianisme dans la presqu’île d’Arabie reste nimbée de zones d’ombre, que les sources littéraires et archéologiques s’efforcent d’éclaircir. Les premières traces de christianisation sont évoquées par des textes écrits – Origène ou Eusèbe de Césarée – à partir du IVe siècle ; l’annonce de l’Évangile est certainement le fait de missionnaires arrivés dans cette lointaine Provincia Arabia romaine. Rien, avant cette date, n’atteste d’une quelconque présence chrétienne. Toujours à en croire les textes, le christianisme y connait ensuite une période florissante et s’organise autour de plusieurs évêchés – 17 évêques auraient par exemple été présents au Concile de Chalcédoine en 451.
Les communautés se regroupaient essentiellement autour de deux pôles : l’Arabie du Nord-Est, où le christianisme semble avoir entièrement disparu vers le IXe siècle au profit de l’islamisation, et l’Arabie méridionale (Yémen actuel), où la présence chrétienne a résisté au moins jusqu’au XIIIe siècle, soit sept siècles après l’arrivée de l’islam. Des archéologues en mission dans cette zone depuis quelques années ont récemment retrouvé des inscriptions en arabe qui prouvent l’utilisation de cette langue par les chrétiens, outre le syriaque, dès le Ve siècle. Les découvertes se sont multipliées ces dernières années, que ce soit aux Émirats arabes unis ou en Arabie saoudite – jusqu’ici fermée aux missions étrangères. Les sols et les pierres commencent à parler et une chose est sûre: la péninsule arabique n’a pas fini de livrer tous les secrets de sa riche histoire pré-islamique.