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Jeux vidéo : les conseils d’un curé “gamer”

VIDEO GAMES
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Mathilde de Robien - published on 23/10/22
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Prêtre du diocèse de Verdun, le père Bertrand Monnier est curé de la paroisse Saint Vanne en Verdunois. Fin connaisseur des jeux vidéo, il pose un regard juste et nuancé sur ce nouvel univers culturel, entre diabolisation excessive et naïveté aveugle.

Les "gamers", ce sont ces joueurs invétérés de jeux vidéo. Ils ont 10, 15, 20 ans ou bien plus, passent des heures à jouer sur l’ordinateur ou la console et ont du mal à décrocher quand on les appelle à table. Pour un peu qu’ils soient chefs de guilde (chef d’équipe) ou en plein ladder (tournoi) sur un PVP (Player versus player : jeu où les joueurs s’affrontent entre eux), ils vous répondront qu’ils ne "peuvent" pas abandonner la partie, sous peine de passer pour un casual gamer (joueur occasionnel), un noob (un débutant), ou pire encore, de se faire appeler Kevin (nom donné aux joueurs qui jouent mal).

Les jeux vidéo sont un monde à part, avec son langage, ses codes et ses valeurs. Un monde dans lequel les plus jeunes évoluent avec un naturel déconcertant, et qui, pour l’immense majorité d’entre eux, fait partie de leur quotidien : une étude publiée en novembre 2021 par Médiamétrie pour le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) révèle que 98% des enfants jouent.

Cependant, les jeux vidéo recèlent certains dangers si l’on n’y prend pas garde. Le père Bertrand Monnier propose en ce sens des repères bienvenus et constructifs aux parents, afin de favoriser la communication avec un enfant gamer et éviter qu’il ne verse dans l’addiction. Pour le prêtre, une règle élémentaire consiste à s’intéresser aux jeux vidéo, "pour cartographier ce nouveau monde et prendre conscience de ses richesses mais aussi de ses dangers" : "La première chose à faire, pour les parents, est de s’y intéresser, pour savoir dans quel monde évolue son enfant. Généralement, les parents savent où sont leurs enfants. Cette règle de base inclut aussi les mondes virtuels", confie-t-il à Aleteia.

Une sensibilisation des adultes qui semble porter ses fruits puisque l’intérêt des parents semble s’accroître : selon la même étude, 70% des parents déclarent encadrer la pratique de leurs enfants, en choisissant avec eux les jeux auxquels ils peuvent jouer, en déconseillant certains jeux, ou en restant à côté d’eux lorsqu’ils jouent. Ils sont même 77% à déclarer jouer avec leur enfant (contre 66% en 2020).

De bonnes choses

Allant à l’encontre du préjugé selon lequel tous les jeux vidéo riment avec violence, le prêtre souligne l’existence d’une large gamme de jeux, du plus réfléchi au plus agressif. "Tous les jeux vidéo ne sont pas violents ! Certains sont même très bons", assure-t-il, évoquant notamment les jeux de construction, de gestion ou de stratégie. Outre une manière de se divertir, de s’amuser, de s’évader momentanément de son quotidien, les jeux vidéo offrent aussi à certains jeunes une place qu’ils ont du mal à prendre au collège, au lycée ou à la maison. Des enfants d’une dizaine d’années peuvent être chef de guilde dans certains jeux comme Dofus ou Clash of Clans. Ils sont alors amenés à mener une équipe avec des joueurs parfois bien plus âgés qu’eux et en tirent une forme de reconnaissance. "Dans Dofus, je suis quelqu’un, alors qu’au collège, je ne suis personne", témoigne un garçon de 11 ans. Le jeu vidéo permet un certain accomplissement, certes dans le monde virtuel, mais qui a des répercussions dans le monde réel.

Autre conséquence positive : la stimulation cérébrale. "Les jeunes qui jouent depuis leur enfance ont développé des capacités cognitives comme la capacité attentionnelle et la vision motrice", constate le père Bertrand Monnier. Certains jeux favorisent également la concentration et la capacité à prendre des décisions rapides dans un environnement complexe. Des qualités recherchées sur le marché du travail. Les gamers sont ainsi reconnus pour leur dextérité, mesurée notamment par un ratio appelé APM (nombre d’actions par minute), ainsi que pour leur facilité à travailler en équipe et à répartir les tâches selon les compétences de chacun. Des bienfaits certes, mais qui n’excluent pas les risques de dérives liés à la pratique des jeux vidéo et auxquels il est bon de demeurer attentif.

Dangers et garde-fous

Premier risque de dérive : l’addiction. Face à ce phénomène, le prêtre invite d’abord à en creuser les causes profondes. "L’addiction aux jeux vidéo n’est finalement qu’un symptôme, une conséquence de questions beaucoup plus complexes". Ensuite, il s’agit de faire la différence entre une fuite et une escapade. "Il est possible de passer beaucoup de temps sur les jeux vidéo sans pour autant plonger dans l’addiction", souligne-t-il. C’est alors une simple escapade. A l’inverse, un jeune peut y passer peu de temps mais être malgré tout addict lorsqu’il s’agit d’une fuite de la réalité.

Pour Bertrand Monnier, le meilleur rempart contre l’addiction réside dans l’intérêt que les parents voudront bien porter aux jeux vidéo. "Si découvrir les mondes qui attirent leurs enfants ne vient pas à l’esprit des parents, alors ces mondes deviennent une caverne, un lieu d’isolement pour les jeunes gamers", souligne-t-il. "Sans s’en rendre compte, les parents participent ainsi à rendre leurs enfants addicts en faisant des jeux vidéo un lieu d’isolement et non un lieu d’échange. C’est trop souvent le manque de dialogue en famille qui entraîne l’addiction, et non l’inverse", déplore-t-il.

L’Eglise doit pouvoir parler tous les langages.

S’y intéresser, connaître le vocabulaire, les codes, voire jouer soi-même… sont autant de pistes pour limiter les risques d’addiction de son enfant. Le père Bertrand Monnier va même plus loin en évoquant l’Esprit de Pentecôte et la capacité à savoir parler toutes les langues. "L’Église doit pouvoir parler tous les langages", assure-t-il. Tous les langages, ce sont aussi les langages de son temps, celui des jeux vidéo par exemple. Il s’agit même d’un préalable à l’évangélisation. "Si nous ne sortons pas de nos églises, de l’indifférence culturelle dont nous faisons preuve parfois dans nos communautés, si nous ne sommes pas audibles tout simplement, alors nous ne risquons pas de donner un terrain à l’Esprit-Saint pour qu’il puisse agir !"

Autre risque : le déséquilibre entre le temps passé dans le monde virtuel et celui passé dans le monde réel, au détriment d’une vie sociale, des devoirs, des activités sportives… D’où l’intérêt d’apprendre à son enfant à savoir gérer le temps passé derrière l’écran. Le conseil de Bertrand Monnier ? Mettre une horloge près de l’ordinateur ou de la console, et demander à son enfant de noter sur un cahier l’heure à laquelle il commence à jouer et l’heure à laquelle il arrête. "Un excellent moyen de lui faire prendre conscience que le temps n’est pas linéaire pour le cerveau. Une heure de cours peut en sembler deux, alors qu’une heure de jeux vidéo semble à peine une demi-heure".

Enfin, le père Bertrand Monnier rappelle la nécessité de respecter quatre règles basiques : pas d’écrans avant 3 ans, pas d’écrans à table, pas d’écrans dans les chambres, et pas de jeux vidéo après le dîner. Entre l’ordinateur et la console, il préconise l’ordinateur : les jeux sont moins chers, plus faciles à contrôler et plus réfléchis que les jeux sur console.

Pratique

Les dix commandements des jeux vidéo, Bertrand Monnier, Salvator, septembre 2022, 15 euros.
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