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Moins d’un an après sa venue au Vatican, le 26 novembre 2021, Emmanuel Macron va déambuler de nouveau ce lundi 24 octobre à travers les couloirs du Palais apostolique du Vatican pour une audience privée accordée par le pape François à 10h30. Celle-ci sera suivie d’une rencontre avec le secrétaire d’État Pietro Parolin et le secrétaire pour les relations avec les États, Mgr Paul Richard Gallagher.
La rencontre intervient au lendemain de la participation du président à un sommet interreligieux organisé par Sant’Egidio, pendant laquelle il a prononcé un long discours sur le rôle des religions dans les sociétés contemporaines. Dans la soirée, il devait rencontrer la nouvelle présidente du conseil Giorgia Meloni, nommée samedi, ainsi que se rendre à un dîner organisé par Sant’Egidio. Pour ce voyage romain, Emmanuel Macron, accompagné de son épouse, a fait le choix de convier dans sa délégation des personnalités reflétant l’esprit de ce déplacement. Ainsi sont présents Claudio Galdérisi, président du GIP Institut français d’islamologie, la rabbine Delphine Horvilleur, le frère Adrien Candiard, membre de l’Institut dominicain d’études orientales du Caire ou encore les recteurs des Grandes Mosquées de Paris et Lyon, Chems-Eddine Hafiz et Kamel Kabtane.
Plusieurs personnalités présentes
La responsable de la communauté Sant’Egidio en France, Valérie Régnier, est également conviée, ainsi que l’écrivain voyageur Sylvain Tesson, prix Renaudot 2019 pour son livre La Panthère des neiges (Gallimard). Ce dernier a récemment interpellé le président français sur la situation de l’Arménie, lui demandant de l’aider contre expansionnisme azéri. Emmanuel Macron a d’ailleurs mentionné le pays du Caucase dans son discours à Sant’Egidio. Il est probable qu’il évoque ce sujet avec François lundi. D’autres personnalités de la sphère catholique française devraient par ailleurs faire le voyage avec le président : la présidente du Secours catholique Véronique Devise, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris ou encore Mgr Pascal Gollnisch, directeur général de l’Œuvre d’Orient.
Sont encore présents le père Vincent Sénéchal, supérieur des Missions étrangères de Paris, et la sœur Mariam An-Nour, directrice du Collège Carmel Saint Joseph au Liban. Plusieurs intellectuels spécialistes du fait religieux sont également à Rome, notamment Olivier Roy, Gilles Kepel, Jean-François Colosimo ou la philosophe Ayyam Sureau, responsable de l’association Pierre Claver. Le président voyage enfin avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna.
La guerre en Ukraine et la recherche de la paix
Cette troisième audience entre les deux hommes s’inscrit dans le contexte nouveau de la guerre en Ukraine, un sujet qui pourrait être au cœur des discussions. Depuis le début de l’invasion russe, le 24 février, le Pape n’a cessé d’appeler à la paix et de dénoncer les horreurs de la guerre. Priant chaque semaine pour "l’Ukraine martyrisée", il n’a cependant jamais voulu fermer la porte du dialogue avec la Russie, annonçant même avoir demandé à Vladimir Poutine une rencontre à Moscou, trois semaines après le début de la guerre.
Mi-septembre, de retour du Kazakhstan, le Pape a expliqué ne pas vouloir exclure "le dialogue avec aucune puissance qui est en guerre, même si elle est l’agresseur". Et de rajouter : "Parfois le dialogue doit s’engager ainsi, mais il doit se faire ; ça sent mauvais, mais ça doit se faire".
De son côté, Emmanuel Macron est à la tête d’une puissance engagée dans le soutien militaire à l’Ukraine. La France a notamment fourni à son allié une vingtaine de canons Caesar ou bien des missiles antichars. Mais le chef de l’État a aussi pris une option singulière en souhaitant maintenir ouvert un canal de discussion avec Moscou, allant jusqu’à confier en juin dernier qu’il ne fallait pas "humilier" la Russie.
On ne dit pas forcément toujours les mêmes choses que le Vatican mais la discussion sera intéressante.
Récemment, le président de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo, a souligné "le rôle que le président français a recouvert en cette période" et la "pertinence" de sa posture diplomatique à l’intérieur de l’Union européenne. L’Italien a salué le fait qu’Emmanuel Macron soit un de ceux qui parlent avec Vladimir Poutine et considèrent qu’un "dialogue ouvert" est nécessaire pour mettre fin au conflit.
"On ne dit pas forcément toujours les mêmes choses que le Vatican mais la discussion sera intéressante", confie une source à l’Élysée au sujet de la rencontre entre le pape François et le président français, deux responsables qui plaident pour le retour du multilatéralisme dans la résolution des conflits. Emmanuel Macron "aime confronter, recueillir les différentes opinions et discuter avec les grands leaders de ce monde", explique-t-on encore du côté de Paris.
Un ouvrage de Kant comme cadeau
Au-delà de l’Ukraine, les deux hommes pourraient parler de la construction de la paix dans d’autres régions du monde, comme en Afrique, où la diplomatie vaticane et celle de Sant’Egidio sont à l’œuvre. Signe que la paix et le multilatéralisme sont des thèmes importants, le président Macron a annoncé vouloir offrir une édition de 1795 de Projet de paix perpétuelle, un essai du philosophe allemand Emmanuel Kant qui a inspiré la création de la Société des Nations et donc les Nations unies.
Le sujet délicat de la fin de vie pourrait aussi figurer au menu des discussions, indique-t-on à l’Élysée, même si l’on considère que ce ne sera sans doute pas le point central de la rencontre. "D’expérience, les échanges sont souvent directs entre le président de la République et le Pape et les thématiques inscrites à l’agenda ne sont pas toujours respectées", explique-t-on.
On ne peut demander aux soignants de tuer leurs patients.
Alors que le gouvernement a lancé un vaste débat sur le sujet, c’est peut-être le pape François lui-même qui voudra prendre le temps d’aborder cette question sensible. Vendredi, alors qu’il recevait des élus du nord de la France, le Pape a envoyé un message clair : "Si on tue avec des justifications, on finira par tuer de plus en plus". "On ne peut demander aux soignants de tuer leurs patients", a-t-il insisté, plaidant pour un débat "en vérité sur la fin de vie dans l’Hexagone.
De passage à Rome cette semaine, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des évêques de France, a confié qu’il serait "légitime" que les deux hommes en parlent durant l’audience.
Un intérêt commun pour le Liban
Parmi les autres sujets qui pourraient être évoqués figurent encore les migrations et l’accueil des réfugiés ou bien la transition climatique et énergétique. La situation du Liban sera peut-être au menu des échanges. Le président et le Pape ont "tous les deux un intérêt marqué" pour ce pays, glisse un conseiller à l’Élysée. Quant à la question des abus sexuels dans l’Église en France, elle n’est a priori pas à l’ordre du jour.
À propos d’un voyage du Pape en France, on rappelle à l’Élysée que l’invitation faite au pape est "permanente" et que le pontife argentin sait qu’il est le bienvenu dans l’Hexagone. En août dernier, après le consistoire durant lequel Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, a été élevé au rang de cardinal, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, avait de nouveau formulé son souhait de voir venir le pape François en France, et notamment à Marseille.
Des audiences exceptionnellement longues
Impossible de prévoir la durée de la rencontre entre le pape François et Emmanuel Macron lundi. Après la séquence vaticane – audience papale puis échanges avec le cardinal Parolin et Mgr Gallagher -, le président Macron doit déjeuner en privé avec le président italien Sergio Mattarella. En 2021, les échanges entre le Pape et le président français avaient duré une heure, soit trois minutes de plus que lors de leur première rencontre en 2018.
L’an passé, Emmanuel Macron et le pape François avaient montré une certaine proximité devant la caméra du Saint-Siège. Au sortir de leur rencontre, on pouvait notamment les entendre se tutoyer. "Je t’ai fatigué avec toutes ces histoires", avait lancé Emmanuel Macron au moment de se dire au revoir. Et le pontife de répondre : "Tu ne m’as pas fatigué".