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L’accord entre la Chine et le Vatican a-t-il produit des effets ?

Procession catholique à Donglu, dans la province du Hebei en Chine (2018).

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Yves Chiron - publié le 12/10/22
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L’accord entre la Chine et le Saint-Siège sur la nomination des évêques sera-t-il renouvelé ? Auteur de "La Longue marche des catholiques de Chine" (Artège, 2019), Yves Chiron répond aux questions de Aleteia.

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Le pape François se dit "toujours prêt à aller en Chine", mais pour l’heure, les autorités de Pékin ne semblent pas prêtes à lui ouvrir leurs portes. L’accord obtenu en 2018, au prix de nombreuses concessions, pour normaliser les relations entre l’Église catholique romaine et la Chine doit être rediscuté. Même si les évêques chinois sont désormais officiellement tous en communion avec le pape, les persécutions n’ont pas cessé. Le compromis sera-t-il reconduit ? L’analyse d’Yves Chiron, historien spécialisé en histoire religieuse contemporaine. 

Aleteia : Le Saint-Siège et Pékin doivent rediscuter à la fin de ce mois d’octobre l’accord signé en 2018 visant à régulariser la situation de l’Église en Chine, dans un climat tendu. Quels étaient les termes de cet accord ?
Yves Chiron : L’accord signé entre le Saint-Siège et le gouvernement chinois le 22 septembre 2018 est, comme le dit son titre officiel, un "Accord provisoire". Il a été reconduit pour deux ans en octobre 2020 et est à nouveau rediscuté en ce moment pour être reconduit certainement pour une nouvelle période de deux ans. Cet accord est également secret, c’est-à-dire que son texte n’a pas été publié. Les évêques chinois et les deux cardinaux chinois (Zen et Tong Hon, tous deux évêques émérites de Hong Kong) ignorent eux-mêmes le contenu exact de cet accord.

Les catholiques chinois sont une petite minorité dans le pays : environ 10 millions de fidèles dispersés sur un territoire qui compte plus de 1,4 milliards d’habitants.

Le Saint-Siège a indiqué seulement qu’il portait sur les nominations épiscopales. Deux éléments sont connus. Premièrement, sept évêques nommés par le gouvernement chinois dans les années précédentes et consacrés sans l’accord du Saint-Siège (et donc excommuniés ipso facto), ont été reconnus par Rome, leur excommunication a été levée. Par ailleurs, Rome et Pékin se sont mis d’accord sur une procédure de nomination. Désormais ce sont les autorités chinoises qui présentent à Rome les dossiers des "candidats" à l’épiscopat et le Pape, après étude des dossiers, procède à la nomination ou pas. Le dernier mot appartient au Saint-Siège. 

Officiellement à Rome, tous les évêques de Chine sont désormais en communion avec le Pape, ce qui est plutôt considéré comme un acquis positif. Pour autant, les zones de tensions ne cessent de se multiplier : manifestations démocrates à Hong-Kong, procès du cardinal Zen, persécution des Ouïghours, conflit avec Taïwan reconnu par le Vatican... Le président Xi Jinping refuse de rencontrer le pape. Les Chinois vont-ils durcir leur position ? 
Les catholiques chinois sont une petite minorité dans le pays : environ 10 millions de fidèles dispersés sur un territoire qui compte plus de 1,4 milliards d’habitants. Pour le président Xi Jiping c’est un tout petit caillou dans sa chaussure. Il a bien d’autres problèmes à régler. Au Kazakhstan, où il se trouvait en même temps que le pape François, il n’a pas souhaité rencontrer le pape François ; pareillement lors de sa dernière visite officielle à Rome il n’avait pas jugé utile de rencontrer le Pape. Ce n’est pas par crainte d’un affrontement ou d’un désaccord trop éclatant, c’est parce que l’Église catholique est, pour lui, en Chine, un groupe organisé qui pèse peu. Il est significatif que l’Accord provisoire de 2018 ait été négocié non pas au plus haut niveau de l’État, mais par le vice-ministre des Affaires étrangères. Le catholicisme, comme les autres religions présentes en Chine, sont pour les autorités chinoises des réalités sociales à contrôler (par l’intermédiaire du Bureau des affaires religieuses) et ces mêmes autorités veulent que les différentes religions se mettent au service du "socialisme". 

Le pape François semble prêt à de nombreux compromis à l’égard de Pékin, pourtant il reconnaît que les effets de l’accord de 2018 sont "discutables" et "sujets à caution". Quels sont les enjeux de la renégociation attendue ?
Le pape François est fasciné par la Chine, sa longue histoire et sa civilisation et par les jésuites qui ont œuvré en Chine à partir de la fin du XVIe siècle. Il admire leur volonté d’acculturer le christianisme avec la culture chinoise. Il rêve de pouvoir se rendre en Chine. Mais les autorités chinoises n’envisagent même pas une telle visite, qui leur apparaîtrait incongrue. Néanmoins, le Pape n’est pas naïf et se rend bien compte que l’Accord provisoire de septembre 2018 n’a pas produit les résultats escomptés. Dès le mois de février 2019, le cardinal Filoni, qui était alors préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, a dit être "perplexe" sur l’efficacité de l’Accord. Plus récemment, c’est le cardinal Parolin, secrétaire d’État, qui a fait part publiquement de ses interrogations. L’Accord avait été signé notamment parce qu’une quarantaine de diocèses étaient sans évêque. Le pape espérait pouvoir procéder rapidement à des nominations et donner des pasteurs à ces diocèses. Or, il y a eu très peu de nominations épiscopales depuis l’Accord et plusieurs dizaines de diocèses restent sans évêque depuis des décennies. Par ailleurs, la surveillance de l’Église catholique reste plus tatillonne que jamais, des lieux de culte non autorisés sont fermés, des prêtres et des évêques restent placés en résidence surveillée ou sont incarcérés parce qu’ils ont refusé de se faire "enregistrer" par les autorités. L’Accord provisoire n’a pas mis fin aux persécutions.

Propos recueillis par Philippe de Saint-Germain.

Pour en savoir plus

Yves Chiron, La Longue Marche des catholiques de Chine, Artège, 2019, 336 pages, 18 €
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