"Même si mes enfants me disent que je suis encore jeune, je vois bien dans le miroir que je n’ai plus 20 ans", explique Christine. Si cette quarantenaire ne semble pas être très affectée par son corps qui change, pour d’autres, les premières rides et les premiers cheveux blancs sont une catastrophe. C’est le cas de Delphine, 55 ans, soucieuse de ne plus plaire. "Jusqu’à mes 45 ans, j’étais une brindille. Maintenant, malgré tous les régimes, mon ventre ne disparaît pas…", souffle cette secrétaire de direction. Pierre, lui, est embêté par ses douleurs articulaires et des petites pertes de mémoire. "Le pompon, ce fut le jour où on m’a posé un appareille auditif ! J’ai 65 ans et je voudrais remonter le temps. J’ai vraiment peur de vieillir", lance-t-il.
S’accrocher à la jeunesse à tout prix
"Cette peur de vieillir est d’abord une peur sociétale, explique à Aleteia Marie de Hennezel, psychologue et psychothérapeute. Notre société moderne a peur de vieillir car l’image de la vieillesse renvoie à la dégradation, à la perte de l’autonomie et de maîtrise de soi". Pour les femmes, cette peur apparaît entre 50 et 60 ans, mais elle est généralement résolue après 60 ans. "Il s’agit d’une crise narcissique. Les femmes ont peur ne plus être séduisantes, qu’on ne les regarde plus dans la rue. Les hommes, eux, ont surtout peur du vieillissement sexuel, ce à quoi les femmes sont moins confrontées", détaille la psychologue. Cette peur et ce corps qui change poussent certains à la dépression. C’est le cas de Caroline, qui n’arrive même plus à se regarder dans le miroir. "Ma peau n’est plus la même. Mes rides m’agacent et ces petites tâches rousses qui se multiplient sur mes mains me rappellent celles qu’avait ma grand-mère. Autant dire que je me sens déjà mémé", soupire cette cinquantenaire.
Si remonter le temps s’avère impossible, certains sont tentés de le ralentir par tous les moyens, n’acceptant pas de vieillir. "Le jeunisme, cette volonté d’essayer de s’accrocher de façon pathologique à la jeunesse, peut marcher un temps. On peut essayer de retarder le vieillissement de la peau mais ça reste quand même inévitable", prévient Marie de Hennezel, auteur de Et si vieillir libérait la tendresse (In Press). Même constat du côté du pape François. "En attendant de vaincre la mort, nous pouvons maintenir le corps en vie grâce aux médicaments et aux cosmétiques, qui ralentissent, cachent, annulent la vieillesse", a remarqué le pape le 8 juin dans sa série d’enseignements sur la vieillesse. "Les rides sont un signe d’avoir fait tout un cheminement de vie", a-t-il encore déclaré tout en soulignant qu’il valait mieux assumer son âge. Et qui dit assumer son âge, signifie aussi accepter son corps vieillissant.
Les trois piliers de l’acceptation
"Montaigne disait : "Philosopher, c’est apprendre à mourir". Je dirais que philosopher, c’est aussi apprendre à vieillir en l’acceptant", déclare à Aleteia Pr. Michel Le joyeux, auteur de En bonne santé avec Montaigne (Robert Laffont). "L’acceptation est une qualité de l’esprit qui s’entretient avec des exercices ciblés sur cette fonction de résilience", écrit-il dans cet ouvrage. Et de rappeler que celle-ci repose sur trois piliers : l’ouverture d’esprit, la conscience de l’ici et maintenant, et l’engagement dans des actions qui ont du sens pour soi et pour les autres.
La première "fait que l’on accepte les pensées qui traversent notre esprit, même si on ne les souhaite pas ou qu’elles ne font pas plaisir". "On s’entraîne aussi à tolérer les émotions non anticipées". Pour illustrer ses propos, le chef du service de Psychiatrie et d'Addictologie à l'Hôpital Bichat fait appel à une belle métaphore : "On peut se représenter une feuille de papier avec sur une face des phrases agressives, et sur l’autre des informations ou des propos venant de personnes auxquelles on tient beaucoup. Ce n’est pas parce qu’une face est couverte de lignes déplaisantes que l’on va déchirer toute la feuille. Il en est de même avec l’esprit, et les émotions positives ou négatives qui le traversent. En pratiquant l’ouverture d’esprit quelques minutes par jour, on exerce son mental à accueillir tant les émotions que les images ou les pensées, qu’elles soient agréables et recherchées ou imprévues et non souhaitées".
Mettre de l’énergie dans tout ce qui permet la joie du cœur.
"Une deuxième qualité nourrissant l’acceptation est la conscience de l’ici et maintenant. Les gens les plus conscients de l’instant présent se rendent compte de ce qui se passe dans leur esprit et leur corps, et vont mieux. Ils se sentent respirer, penser, bouger ou rester assis. Quelle que soit l’observation qu’ils font de leur état physique et mental, ils acceptent de ne pas l’interpréter de manière catastrophiste", détaille Pr. Michel Le joyeux. Et de préciser que cette aptitude peut être entraînée grâce à l’image de la météorologie. Tout comme la météo qui change dans la journée, sans qu’on en fasse un drame, il est possible de traiter avec la même tranquillité les changements du corps. Enfin, la dernière manière de renforcer son acceptation est de s’engager dans des actions qui ont du sens pour soi et pour les autres, et qui en plus sont utiles.
Cultiver la joie et la jeunesse du cœur
De son côté, Marie de Hennezel, qui va publier le 17 novembre L’aventure de vieillir (Robert Laffont), estime que si le corps vieillit, la jeunesse du cœur est là et il faut la cultiver. "Il faut ouvrir son cœur et son esprit aux choses qui nous intéressent : la nature, la musique, la lecture, etc. Il faut mettre de l’énergie dans tout ce qui permet la joie du cœur. Pour y parvenir, il est bon de faire un voyage vers son intériorité. Se poser la question : suis-je bien à l’intérieur de moi-même", conseille-t-elle. Et de rassurer celles et ceux qui ont peur de ne plus séduire : "En vieillissant, on acquière une autre forme de séduction. On séduit par son charme, par son regard, par son sourire car même si les yeux, la bouche et les dents vieillissent, le sourire et le regard ne le font pas".