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Niché au sud de Colmar (Haut-Rhin), et flanqué depuis 2003 de l’appellation convoitée de « Plus Beau Village de France », Eguisheim est plus qu’un village de carte postale où il fait bon flâner. D’abord parce que c’est la commune natale du pape Léon IX, successeur de Pierre de 1048 à 1054 : une fierté pour les habitants qui ont édifié en sa mémoire une statue dominant une fontaine et une imposante chapelle de style néo-roman où affluent les touristes. Ensuite parce qu’on peut y admirer, dans l’église Saints-Pierre-et-Paul, une curieuse statue de Notre Dame : en tilleul polychrome du XIVe siècle, elle offre un air de ressemblance avec les Vierges en majesté romane, même posture hiératique, même naïveté d’exécution.
Cette sculpture présente une rare particularité : le torse de Marie, creux à l’intérieur, peut s’ouvrir et se déplier comme un triptyque.
Elle se rapproche en même temps des Vierges du gothique naissant par l’expressivité de ses traits — elle esquisse un sourire — et la finesse du drapé de son manteau doré. Cette sculpture présente une rare particularité : le torse de Marie, creux à l’intérieur, peut s’ouvrir et se déplier comme un triptyque. Initialement, il contenait probablement des reliques, peut-être même un ostensoir. Au XVIIe, les vantaux ont été peints : au centre une gloire surmontée d’une hostie, de chaque côté un ange portant un cierge.
Attention, bien précieux !
Classée depuis 1978, l’œuvre d’art ne se contemple plus que de loin, derrière une porte vitrée. Et pour cause ! Si ce fut probablement au Moyen Âge une représentation courante, objet de la ferveur populaire, peu de ces Vierges ouvrantes ont subsisté. On en dénombrerait seulement 46 dans le monde. En Alsace, on en trouve une deuxième, au musée de Kayserberg. Mais que sont-elles au juste ?
Au XIIIe, dans l’élan du culte marial en plein essor depuis un siècle, on voit apparaître dans toute l’Europe chrétienne, en particulier en Europe du Nord, des statues de la Vierge en différents matériaux — en bois ou en ivoire essentiellement — fendues sur leur face antérieure pour permettre le déploiement de deux panneaux latéraux. Ces panneaux sont ornés de peintures ou de sculptures représentant parfois des scènes de la Vie de Jésus et Marie, le plus souvent la Trinité — un "trône de grâce" : Dieu le Père tient le Christ en croix, sous le regard de la colombe de l’Esprit saint.
Interdiction plutôt que confusion
Ces sculptures, qui visaient à ouvrir les fidèles aux mystères divins, suscitèrent toutefois des critiques de la part des théologiens. Elles pouvaient laisser penser que Marie était reconnue comme mère des trois personnes de la Trinité. Elles furent donc détruites dès le XVe, avant d’être officiellement interdites par le Concile de Trente. Certaines, protégées par les fidèles, en réchappèrent. La dévotion aux Vierges ouvrantes subsista ici ou là jusqu’au XIXe, comme en témoigne l’exemplaire conservé au Louvre.
En France, il en resterait 17, dont trois en Bretagne : deux dans le Finistère, à Bannalec et Morlaix, l’autre dans le Morbihan à Guern. Les fidèles viennent encore vénérer Celle qui est, de source sûre, mère de tous les hommes.