Par Camille Dalmas, envoyé spécial au Kazakhstan. Après avoir survolé pendant des heures les plaines ocres de la grande plaine d’Asie centrale, le pontife a atterri le 13 septembre en fin d'après-midi dans l’aéroport international de Nour-Soultan, situé au porte de la capitale du Kazakhstan autrefois nommé Astana. Depuis l’étrange terminal surmonté d'une coupole où il est descendu en fauteuil roulant, on pouvait voir au loin la ville, étrange cité-champignon étincelante aux silhouettes avant-gardistes, perdue en plein milieu de la grande steppe kazakhe.
Jusqu’en 1991 et l’indépendance du pays, le petit bourg qui se trouvait là portait le nom très approprié de Tselinograd – la ville des terres vierges, en russe. Elle prit ensuite le nom d’Astana en 1998, soit « la capitale » en langue kazakhe, remplaçant l’ancienne capitale soviétique Almaty. Sous l’impulsion du premier président Noursoultan Nazarbaïev – dont le prénom a été utilisé pour un ultime changement de nom en 2019 – la petite ville jadis isolée dans les grandes étendues sans fin fut conçue comme une vitrine du pays.
La première journée du pontife argentin dans cette étrange cité, où ont œuvré les plus grands noms de l’architecture du XXe siècle tels que Kisho Kurokawa ou Norman Foster, consista principalement à circuler dans cet ensemble où tout est or et azur – les couleurs du drapeau kazakh –, verres et métaux scintillants. Le pontife a ainsi été accueilli avec faste et honneur à Ak Orda – soit la « Maison Blanche » –, palais présidentiel de Nour-Soultan à la coupole bleu vif surmontée d’une flèche dorée. Au milieu des imposantes colonnades de faux marbres de la salle d'honneur – qui sonnaient creux – devant des murs pavoisés d'étonnantes tapisseries racontant l'époque où les chevaux dominaient les plaines alentours, et sous d'immenses lustres rutilants, il a écouté la garde d'honneur du palais rugir l'hymne national de son pays.
Le pontife a ensuite prononcé un discours dans le « Kazakh Concert Hall », une étonnante structure en verre bleu bleuté, imaginée par deux architectes italiens, qui pourrait avoir été conçue pour illustrer la tectonique des plaques. Dans l'impeccable salle de concert, étrangement à moitié vide, le pape a rendu hommage à l'harmonie kazakhe, qui fait vivre côte à côte laïcité et religion, Orient et Occident, modernité et traditions… Une sorte de paradoxe inscrit sans équivoque dans cette drôle de ville qu'est Nour-Soultan, cité futuriste perdue dans la plaine sans âge du Kazakhstan.