"Pour vivre ici, il faut être un saint ou un fou", confie un prêtre aux organisateurs de cette pérégrination des reliques, selon un témoignage rapporté dans un livre intitulé Comment Thérèse visita la Russie et le Kazakhstan (éditions Témoins de vie, 2014), rédigé par sœur Tamara Teuma, une vierge consacrée du diocèse de Fréjus-Toulon, qui avait accompagné les reliques de la sainte normande durant ce voyage en ex-URSS.
Dans ce pays marqué par l’athéisme promu au temps de l’URSS, la majorité de la population est de tradition musulmane, mais tolère les conversions au christianisme.
Les communautés catholiques, séparées par de grandes distances, vivent dans des conditions de grande précarité. Faire venir les reliques de sainte Thérèse dans ce territoire s'inscrit dans une volonté d'évangélisation et de communion rendue possible par la chute du communisme. Partout où elle passe, dans des églises mais aussi des hôpitaux, des prisons, des chapelles isolées, selon un parcours parfois improvisé, la sainte normande suscite ferveur et curiosité.
Sœur Tamara mentionne la présence récurrente de "grappes d’enfants", et donne cet exemple poignant, dans un des villages traversés : "La plupart des enfants ont des problèmes hormonaux dus à la radioactivité, et une petite fille de 6 ou 7 ans qui en paraissait 80, les cheveux blancs, ridée, le corps déformé par des rhumatismes, est restée fascinée par Thérèse dans un long dialogue debout durant des heures devant le reliquaire, rien ne pouvait l’en détacher. Le lendemain, elle priait à genoux, ce qui lui était impossible la veille."
Conversions et guérisons
Dans ce pays marqué par l’athéisme promu au temps de l’URSS, la majorité de la population est de tradition musulmane, mais tolère les conversions au christianisme. Lors d’une étape de la pérégrination, un petite fille musulmane, Molinaxa, demande le baptême et prendra le nom de Thérèse, avec l’accord de sa maman, fascinée par le rayonnement de la sainte normande.
Dans la ville de Shortandy, le passage des reliques dans un hôpital provoque l’adoption d’un bébé de trois mois par l’épouse de l’ambassadeur du Guatemala, prénommée Maria Teresa. Quelques années plus tard, la mutation de son mari comme ambassadeur de son pays d’Amérique centrale au Vatican permettra à leur enfant adoptif, devenu un adolescent, de rencontrer les papes Benoît XVI et François.
De nombreux moments marquants rythment le passage des reliques de la carmélite normande à Karaganda, la ville qui a vu émerger cette Église des steppes animée notamment par la diaspora polonaise, dans une région qui vit des milliers de déportés mourir d’épuisement dans la quarantaine de camps de travail que le régime soviétique avait institué dans la région.
La petite et la grande Histoire se croisent
Un survivant du goulag, Stanislas, reçoit le jour de la venue des reliques une lettre du gouvernement français lui attribuant une reconnaissance et une pension d’ancien combattant, réparant 54 ans d’oubli : cet homme d’origine russe avait en effet participé aux opérations de la Résistance en France, et fut même le chauffeur du général de Gaulle lors du défilé de la victoire sur les Champs-Elysées, en août 1944.
Partout, la petite et la grande Histoire se croisent, et c’est aussi l’avenir de cette Eglise catholique du Kazakhstan qui se dessine. Dans la ville de Karaganda, sœur Tamara se souvient d’un petit garçon d’à peine six ans, pleurant à chaudes larmes et ne cessant de répéter : "Elle part ! Elle s’en va !".
Plusieurs années plus tard, la religieuse recevra une lettre du Kazakhstan, avec ces mots : "Je suis ce petit garçon qui pleurait tellement au départ de Thérèse, et je suis maintenant séminariste". Cet enfant bouleversé par sainte Thérèse a ainsi participé au "printemps d’évangélisation" espéré par Jean Paul II lors de sa visite au Kazakhstan, en 2001, et au développement de cette Église minoritaire mais fervente que le pape François saluera au cours de son 38e voyage apostolique.