D'abord, le wokisme est un formidable facteur de division entre les hommes. Comme cette idéologie ne perçoit dans la société que des victimes et des oppresseurs, elle attise forcément les divisions en liguant les premières contre les seconds. Par exemple, en postulant que tel État pratique un "racisme systémique", elle jette la suspicion sur toute la politique pratiquée par le pays concerné. Cette propagande attise la défiance des supposées "victimes" envers les élites. Un chrétien doit se tenir à l'écart de cette idéologie mortifère qui souffle sur les braises des ressentiments.
Manichéisme diviseur
Ensuite, en divisant la société entre victimes et oppresseurs, le wokisme représente une résurgence grossière du manichéisme, cette religion selon laquelle le monde est régi par deux principes antagonistes du Bien et du Mal. Il est certain que la nuance n'est manifestement pas le fort de cette idéologie dualiste pour laquelle il n’existe pas de tiers entre amis et ennemis. On sait où conduit cet extrémisme. Le chrétien est appelé à être l'homme de l'argumentaire, de la souplesse et surtout de la recherche de la concorde entre les hommes. Le wokisme ne se prête pas à ces exigences éthiques.
En troisième lieu, le danger du wokisme réside dans son simulacre de sollicitude évangélique pour les faibles et les discriminés. Habile à dissimuler ses ressentiments et à les habiller des oripeaux d’une morale basique, ce courant de pensée est passé maître dans l’art de berner les intelligences non averties. Un chrétien peut facilement tomber dans le panneau de cette idéologie qui instrumentalise les frustrations des minorités pour avancer son agenda politique et asseoir sa domination dans la sphère médiatique.
Une morale facile et sans pardon
Une telle conception de la vie en société induit la pratique d'une morale facile et gratifiante pour ses adeptes. Le woke signifie "l'éveillé" en anglais : le tenant de cette idéologie est désormais conscient du privilège indu dont il jouit en tant que mâle hétérosexuel chrétien blanc vis-à-vis de toutes les minorités que ses ancêtres auraient persécutées — privilège dont ses pareils continuent de bénéficier sur la base de non-dits structurels et pour cette raison très difficiles à repérer. Or, en vertu de l’« éveil" de sa conscience, le woke s'achète une bonne conscience à bon marché. Il lui suffit de souscrire aux postulats de la cause pour être compté parmi les membres du camp du bien et de la vertu. Jadis, la morale consistait dans des efforts pour réprimer nos penchants mauvais et opter laborieusement pour l'exécution de bonnes actions. Désormais, avec le wokisme, ces efforts ne sont plus nécessaires : la dénonciation du racisme ou du sexisme systémique suffit pour vous hisser au niveau des membres de l'aréopage chargé de prononcer les sentences départageant le bien du mal et surtout pour vous obtenir un certificat de vertu civique.
L'effet le plus délétère du wokisme [...] est son absence de perspective de pardon.
Enfin, l'effet le plus délétère du wokisme et le plus opposé au christianisme est son absence de perspective de pardon. La repentance est à sens unique. La séparation entre les victimes et les bourreaux est si étanche que les seconds n'ont que le choix entre la résipiscence ou la disparition (c’est la fameuse "cancel culture" — cancel signifiant "disparition" ou "annulation" en anglais). La créatrice d'Harry Potter, J.-K. Rowling en a fait les frais récemment : pas de rémission pour elle ! Le wokisme, bouffi de fanatisme et de pulsion accusatoire, est imperméable à la notion de pardon.
Pour toutes ces raisons, le chrétien doit opérer un discernement afin que son souci des faibles et des exclus ne le conduise sur la pente fatale de cette idéologie qui, sous couvert de lutte contre les discriminations, est le vecteur de divisions et d’un totalitarisme insidieux en puissance.