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Turquie : l’inquiétude grandit autour de l’état de Sainte-Sophie 

Hagia Sophia

La basilique Sainte-Sophie (Istanbul).

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Manuella Affejee - publié le 30/08/22
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Depuis sa reconversion en mosquée en juillet 2020, la basilique Sainte-Sophie d'Istanbul (Turquie) accumule les dégradations, volontaires et accidentelles. Aux nombreuses protestations émises par des acteurs du monde culturel et artistique, s’ajoutent aujourd’hui celles de l’Association archéologique grecque. Dans une lettre ouverte à Audrey Azoulay, directrice générale de l’Unesco, elle demande à l’organisation onusienne d’intervenir de toute urgence.

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Plantée sur une colline dominant la mer de Marmara, Sainte-Sophie veille sur Istanbul depuis quinze siècles. Construite par l’empereur Justinien au VIe siècle – sur les ruines d’une précédente église du IVe siècle -, la somptueuse basilique émerveille par ses imposantes proportions, la profusion de ses marbres et la beauté de ses mosaïques d’or ; consacrée à la Sagesse divine, Hagia Sofia, elle est le joyau de l’Empire chrétien d’Orient. La conquête ottomane de Constantinople en 1453 signe sa transformation en mosquée, avant que le père de la Turquie moderne, Mustapha Kemal Atatürk, ne décide en 1934 de "l’offrir à l’humanité" en en faisant un musée. 

L’exceptionnelle longévité du monument, fragilisé par de multiples tremblements de terre, pose depuis longtemps des problèmes de conservation ; ceux-ci se sont largement accrus depuis l’année 2020, date à laquelle le président Recep Tayyip Erdogan, en mal de popularité et voulant satisfaire les franges islamistes et ultranationalistes de son électorat, choisit de rendre l’édifice au culte musulman.

Dégradations multiples

Cette nouvelle transformation de Sainte-Sophie, dénoncée par plusieurs États occidentaux ainsi que par les principales Églises orthodoxes, a entraîné une hausse conséquente de la fréquentation – notamment lors des fêtes musulmanes de l’Aïd-el-Fitr - sans que des mesures adéquates n’aient été mises en place pour l’encadrer. Or cette affluence s’accompagne d’actes de vandalisme qu’énumère la lettre des archéologues grecs : "Les volets en bois de la porte impériale ont été endommagés, les enduits des murs ont été grattés et retirés, les fontaines et les portes ont été utilisées pour stocker des chaussures". En avril dernier, ce sont des dalles en marbre qui ont été brisées par l’utilisation de machines de nettoyage beaucoup trop lourdes.

Sainte-Sophie est passé des mains du département des Antiquités à celles de la direction des affaires religieuses du pays.

Les chercheurs s’inquiètent aussi du sort fait aux mosaïques, invisibilisées car recouvertes d’un tissu durant la prière musulmane, tout comme celles de l’église Saint-Sauveur-in-Chora, autre chef-d’œuvre byzantin reconverti en mosquée quelques semaines après Sainte-Sophie. 

Laxisme des autorités

Les archéologues imputent la responsabilité de cette situation aux autorités turques, accusées de traiter Sainte-Sophie avec indifférence, sans aucun égard pour sa "profondeur historique" ou ses trésors artistiques. Ils déplorent également le fait que "la science archéologique ait été écartée" de l’ancienne basilique. De fait, Sainte-Sophie, à l’instar d’autres monuments de Turquie, est passé des mains du département des Antiquités à celles de la direction des affaires religieuses du pays. Ce changement a induit pour elle un abandon des pratiques de préservation qu’impose pourtant son statut de patrimoine mondial de l’Unesco. 

En juillet 2021, l’organisation internationale pour l’éducation et la culture a d’ailleurs demandé à la Turquie de lui remettre un rapport sur l’état de conservation de Sainte-Sophie et de Saint-Sauveur-in-Chora. Consigné avec un an de retard, le document devait être examiné lors de la réunion du Comité du patrimoine mondial en juin dernier, en Russie. Ce rendez-vous a toutefois été reporté en raison du conflit en Ukraine.

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