"C’est tout juste il y a trois mois que j’ai perdu Anne, ma dernière amie emportée par les complications post Covid-19. C’est fini. Il ne reste plus personne de mon cercle. Juste moi, la prochaine sur la liste", confie Marie, veuve de 69 ans. "J’essaie de ne pas trop le montrer à ma fille ni à mes petits-enfants, mais je me sens terriblement peinée. C’est elle qui me soutenait beaucoup, c’est elle qui me donnait le courage d’avancer, c’est avec elle que je pouvais parler de tout."
Sa fille Dorothée, 35 ans, mère de deux petits garçons, s’inquiète de voir sa mère s’installer dans un grand vide. Elle explique de son côté que les deux amies étaient inséparables. Voisines, elles s'appelaient régulièrement et se voyaient au moins deux fois par semaine. Leur lien d'amitié était si puissant que Dorothée ainsi que ses enfants la considéraient un peu comme une tante. "Nous lui rendions souvent la visite, apportions des gâteaux, passions des coups de fil de temps en temps", poursuit-elle en soulignant à quel point elles étaient proches l’une envers l’autre.
La douleur de perdre un ami
C’est ce que le pape Benoît XVI a exprimé dans des paroles très touchantes, en octobre 2021, à l'annonce du décès de son meilleur ami, un moine autrichien : "La nouvelle de la mort du père Winkler m'a bouleversé. De tous mes amis, il m’était le plus proche. Il est maintenant arrivé dans l'au-delà, où je suis sûr que de nombreux amis l'attendaient déjà. J'espère pouvoir les rejoindre bientôt", confiait-il avec beaucoup de sincérité dans une lettre adressée à la communauté religieuse du moine.
Perdre son dernier ami, c’est voir son monde s’écrouler, c’est s’installer dans une solitude contrainte, c’est aussi être forcé intérieurement à se projeter comme "le prochain" sur la liste. "Il y a des moments où j’ai très peur de mourir, je ne me sens pas encore prête spirituellement, mais il y aussi des moments où j’ai une seule envie : retrouver mon mari comme mes amis au ciel. Ils me manquent terriblement. D’autant plus que ma fille et mes petits-enfants vivent trop loin de chez moi", ajoute encore Marie, inconsolable après la mort de son amie. Pour elle, faire des nouvelles connaissances semble impossible ou très compliqué.
530.000 personnes "en situation de mort sociale"
En France, la solitude des personnes âgées s’aggrave années après années. C’est ce qu’observe l’association des Petits Frères des Pauvres dans son baromètre 2021 sur la solitude et l’isolement des plus de 6o ans, publié en octobre dernier. Un constat douloureux : 530.000 personnes sont pratiquement "en situation de mort sociale". D’autre part, le nombre de personnes âgées isolées des cercles familiaux et amicaux a plus que doublé en quatre ans. Il est passé de 900.000 en 2017 à 2 millions en 2021. La pandémie du Covid-19 y a ajouté son lot, avec des situations où les ainés ne pouvaient plus voir leurs enfants et leurs petits-enfants. Il y a aussi ceux qui n’ont pas su reprendre leurs activités sociales. Le lien a été rompu.
Véronique Verges-Cousin, gériatre, engagée notamment dans Le dispositif Liens, une plateforme luttant contre l’isolement des personnes âgées, explique à Aleteia que la solitude, si elle n’est pas repérée à temps, entraîne des fragilités comme l’apathie ou la perte de mémoire qui accélèrent le vieillissement. Cela veut dire qu’on peut alors rapidement être en rupture et définitivement perdre pied. Pour Christian Rendolet, responsable de la Mission seniors du mouvement des laïcs chrétiens Fondacio, ces dix dernières années, la solitude a pris encore un autre visage. Au moment du passage à la retraite professionnelle, de plus en plus de couples se séparent. Par conséquent, il y a beaucoup de personnes âgées seules qui sont prises par la peur du vide et de l’isolement.
Alors, comment aider votre proche à ne pas se retrouver seul malgré les disparitions des derniers amis ? Comment briser sa solitude et retisser des nouveaux liens d’amitié ? Comment le soutenir pour qu'il se sente à nouveau utile et pour qu'il voie cette étape de la vie avec sérénité ? De nombreuses solutions existent. Voici quelques pistes :
1Faire des sorties en groupe
Faire de la marche, suivre un cours de peinture, jouer aux échecs, s’inscrire aux visites des expos… Autant d’occasions pour votre proche de rencontrer des personnes qui ont les mêmes intérêts ou les mêmes passions. Beaucoup d’associations locales organisent des groupes composés de retraités souhaitant avoir une activité de loisir. Il suffit de contacter la mairie, la paroisse ou de voir sur leurs sites la liste complète des associations avec la description détaillée. Renseignez-vous, accompagnez votre proche aux portes ouvertes, aidez-le à tisser les premiers contacts.
2Se lancer dans un hobby
Votre proche a toujours rêvé, mais il n’a jamais osé le faire. Randonnée ? Lecture ? Danse ? Et pourquoi pas ! C’est peut-être le moment idéal de commencer et de gouter aux sensations nouvelles qui lui feront du bien à votre corps, à l’âme, à l’esprit. C’est aussi le bon moyen de rencontrer les autres, passionnés comme lui. Aidez-le à se motiver pour se lancer enfin dans un hobby. Si la santé le permet, il n’y pas d’âge pour commencer. Un bon moyen de reprendre le dessus face au sentiment de solitude.
3Rejoindre un groupe de bénévoles
En dehors de la messe dominicale, le moyen de briser la solitude est d’être actif au sein de sa paroisse. Faire partie du groupe de prière, d’études de la Bible ou s’engager dans une mission de bénévolat qui peut toucher particulièrement votre proche peut être une manière pour lui de ne pas rester isolé tout en apportant une contribution réelle auprès des autres. Faire l’effort d’aller vers les gens est valorisant et donne du sens à la vie. Si ce n’est pas au sein de sa paroisse, c’est par la mairie qu’il est simple d’identifier les différentes associations dont l’esprit peut lui convenir. Et aussi en consultant les médias comme Aleteia : ses belles histoires et les portraits de personnes engagées pour une cause peut inspirer votre proche. L’essentiel est de choisir une action qui lui tient vraiment à cœur.
4Elargir son cercle de voisins
La pandémie du Covid-19 a isolé beaucoup de personnes. Mais elle a aussi provoqué des actions de solidarité. Véronique Verges-Cousin le souligne : "En visitant les personnes isolées durant les confinements, nos bénévoles ont observé des gestes de solidarité entre les voisins : apporter un plateau repas, chercher un médecin pour une personne malade, réparer un ordinateur…" Mais boire un café chaque semaine avec une personne du voisinage, l’aider dans une tâche quotidienne, planifier de temps en temps des goûters pour les enfants des voisins, cela peut être envisagé à tout moment. C’est une belle occasion de leur transmettre les souvenirs comme le récit de sa vie. Aidez votre proche à faire le premier pas en organisant avec lui une ou deux rencontres entre voisins en votre présence.
5Devenir l’ami… du Christ
La vie ne permet pas toujours de se poser et de se rendre disponible aux invitations… adressées par le Christ. "Se préparer à son salut, c’est devenir son ami. Mais pour cela, il faut se désaxer de sa vie habituelle et se recentrer sur le Christ. Son unique but est de permettre à chacun de ne jamais se sentir seul et d’être investi entièrement par l’amour de Dieu. La seule vocation de l’homme sur terre c’est, en devenant ami du Christ, de rendre l’amour de Dieu visible sur terre", analyse le père Paul Habsburg. Pourquoi ne pas regarder cette nouvelle étape de sa vie sous cet angle : tisser une vraie amitié à jamais avec le Christ ? Peut-être qu’une retraite spirituelle serait idéale pour votre proche, afin d’imaginer avec d’autres retraitants un nouvel art de vivre recentré sur sa vie intérieure et sur Dieu ? Une manière d’apprendre à cultiver l’amitié qui ne sera jamais brisée par une disparition soudaine, mais, au contraire, qui sera un grand pas vers l’éternité.