Situé sur la rive nord du lac de Tibériade, le site archéologique d’El-Araj pourrait bel et bien être la ville dont saint Pierre, pilier de l’Église, était originaire. C’est en tout cas ce que laisse penser la découverte récente d’une mosaïque byzantine dédiée précisément à l’apôtre. Cette exceptionnelle trouvaille se trouve dans la sacristie d’une basilique du Ve siècle, dont les ruines ont été mises au jour lors de fouilles antérieures, et que les archéologues appellent "l’église des apôtres". Après avoir été nettoyée, la mosaïque ancienne de 1.500 ans a révélé une inscription dédicatoire ; celle-ci commence par nommer "Constantin, serviteur du Christ" - le donateur de l’église, et non l’empereur romain Constantin -, et poursuit en demandant l’intercession du "chef et commandant des apôtres célestes". Une expression que les chrétiens d’époque byzantine réservaient exclusivement à Pierre, le prince des apôtres, explique Steven Notley, professeur d’études bibliques à New-York et responsable de la mission archéologique d’El-Araj, dans un communiqué.
Selon lui, cette découverte indiquerait que la basilique était "associée de manière spéciale" à Pierre, qu’elle lui était certainement dédiée, et qu’elle aurait même été édifiée sur la maison qu’il partageait avec son frère André. Car, de l’avis de certains archéologues, qui se basent sur une tradition byzantine, cette maison était située à Bethsaïde, et non à Capharnaüm, ainsi qu’il est coutume de le penser. Impossible cependant d’étayer avec certitude cette supposition. D’autres historiens penchent pour une hypothèse à mi-chemin, à savoir que Pierre disposait en réalité de deux maisons, dans l’une et l’autre cité de cette région prospère que fut la Gaulanitide. Les prochaines fouilles, prévues en octobre, s’attacheront à trouver une inscription qui évoquerait, cette fois, l’apôtre André.
Que sait-on de Bethsaïde ?
Modeste port de pêche à ses origines, Bethsaïde (Bet-çaydâ, en araméen) est érigée en ville romaine par le fils du roi Hérode le Grand, Philippe le Tétrarque, qui à cette occasion la rebaptise Julias, en l’honneur de la fille de l’empereur Auguste, Iulia. Les Saintes Écritures ne la désignent toutefois jamais par ce nom. Elles y localisent la naissance de Pierre et André, Jacques et Jean, ainsi que Philippe. C’est également à Bethsaïde que le Christ rend la vue à un aveugle – épisode relaté par l’évangéliste Marc (Mc 8) ; il la fustige ensuite, pour sa résistance à l’accueil de la Bonne Nouvelle (Mt 11, 20-2).
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Lors de son pèlerinage en Terre sainte au VIIIe siècle, Willibald, l’évêque de Eïchstatt en Bavière, raconte avoir fait étape à Bethsaïde, qui lui est présentée comme le village natal de Pierre et André. Dans son récit de voyage, il mentionne l’existence d’une église "là où auparavant se trouvait leur maison". L’inscription byzantine confirmerait donc ce précieux témoignage, même si la prudence reste de mise. Détruite par un séisme une vingtaine d’années après la venue de Willibald, la ville est abandonnée, puis oubliée, tandis que la domination musulmane s’étend sur tout le Levant.
Bethsaïde fait l’objet d’une âpre bataille entre archéologues, car trois sites pourraient lui correspondre : Messadiyeh, Et-Tell et El-Araj. C’est vers Et-Tell que se concentraient les probabilités avant qu’El-Araj ne vienne changer la donne, avec, en 2017, l’annonce de la mise au jour de bains publics d’époque romaine, puis de ruines byzantines.