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Nombreuses sont les attaques contre le dogme de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie, et elles ne proviennent pas toujours des ennemis extérieurs de l’Église. Lorsque le pape Pie XII déclara ce dogme, bien des membres de son entourage, de ses collaborateurs, essayèrent de lui faire changer d’avis et freinèrent des quatre fers. Le Pape se décida avec sagesse et prudence, et, le 1er novembre 1950, publia la Constitution apostolique Munificentissimus Deus où sa proclamation magistérielle est présentée comme une louange envers Dieu. Rien de nouveau sous le soleil en fait, car l’Église n’invente rien d’elle-même, mais au contraire la reconnaissance officielle d’une foi bimillénaire.
La fête de la Dormition
Tout commence — ou tout au moins tout s’articule dans l’écrit, avec le Transitus, ce récit apocryphe du IVe siècle mais utilisant des éléments beaucoup plus anciens remontant au IIe siècle. Le texte insiste sur le fait que le corps de la Vierge Marie n’a pas subi la corruption et qu’il a été enlevé vers le ciel. Ce récit marial est attribué à un disciple de saint Jean, Leucio, écrivant en grec. À la fin du VIe siècle, l’empereur Maurice institua, le 15 août, la fête de la Dormition de la Très Sainte Vierge Marie Mère de Dieu. Tant l’Occident que l’Orient célébreront désormais l’incorruptibilité de la Vierge Marie et sa montée vers le ciel, intronisée auprès de son Fils. Il n’y eut, à l’époque, aucune dispute théologique sur le bien-fondé de cette reconnaissance. Les mauvais procès n’apparaîtront que bien plus tard avec certaines hérésies, et ils laissent des traces jusqu’à aujourd’hui, y compris dans l’esprit de certains clercs et fidèles qui font la moue en lisant — s’ils en prennent la peine, le texte profond de Pie XII.
Le vœu de Louis XIII
Le catholique français devrait être attaché à cette Assomption plus encore que tous les autres catholiques puisque notre pays fut consacré par Louis XIII à la Vierge Marie dans son Assomption, décision du 10 février 1638, ceci à la suite de la naissance inespérée d’un héritier, Louis Dieudonné, futur Louis XIV. Relisant les périls auxquels sa propre personne et le royaume ont échappé, le roi reconnaît la protection multiséculaire de la Sainte Vierge. Il invite tous les archevêques et évêques de France et de Navarre de s’associer au vœu que prononcera l’archevêque de Paris, et de dédier l’autel principal des cathédrales à la Mère de Dieu. Il écrit :
La mort s’incline devant Elle
Le fait que le roi souligne l’abaissement du Fils et l’élévation de la Mère ne fait que reconnaître que le sort de la Vierge Marie ne pouvait pas être semblable au nôtre, puisqu’Elle est la Nouvelle Arche d’Alliance, Celle qui porte en son sein les nouvelles Tables de la Loi, à savoir le Fils incarné. En tout, Elle ne peut que participer à la vie du Fils, à la fois dans ses souffrances lors de la Passion et sur la Croix, et dans sa gloire de Ressuscité. Une très antique tradition rapporte que la Sainte Vierge fut la première à bénéficier de l’apparition du Fils ressuscité le matin de Pâques, ceci non point pour affermir sa foi, mais pour lui offrir ce privilège, Elle qui avait partagé dans le moindre détail la vie terrestre du Christ.
La mort, pour Elle, ne pouvait être qu’une entrée directe dans l’Amour, sans passage par la corruption commune.
Nul besoin de rapporter cette rencontre dans les Évangiles, puisque les autres récits de la Résurrection sont là pour nous aider à faire tomber les écailles de nos yeux, œuvre difficile comme pour les premiers témoins du Maître leur rendant visite. Elle a porté la Vie éternelle en Elle, Elle a été touchée par la Vie au matin de Pâques. La mort, pour Elle, ne pouvait être qu’une entrée directe dans l’Amour, sans passage par la corruption commune. La mort elle-même s’incline devant Elle alors qu’elle fait trembler tous les hommes, privilège marial qui n’appartient à aucun autre être humain. Pas de porte étroite pour la Mère de Dieu, mais les vantaux largement ouverts d’un portail plus somptueux que celui des cathédrales.
Le premier sermon sur l’Assomption
Saint Modeste de Jérusalem est le premier dont nous possédions un sermon sur la Dormition ou l’Assomption, ceci au VIIe siècle :
L’auteur ecclésiastique précise que la Sainte Vierge fut ainsi couronnée afin d’être notre Médiatrice et d’intercéder pour tous les hommes. Comme Elle fut préservée du péché originel et de tout péché, Elle peut ainsi être le canal direct entre nous et son Fils retourné dans la gloire du Père. Le dogme de l’Assomption est la suite logique de celui sur l’Immaculée Conception proclamé par le pape Pie IX dans sa Bulle Ineffabilis Deus en 1854. L’Église complétait ainsi par les textes magistériels l’énoncé de la foi de toujours héritée des Apôtres.
La robe d’immortalité
Le piquant auteur britannique du XIXe siècle, Hector Hugh Munro, dit Saki, note de façon amusante, dans une de ses Nouvelles : "Ne deviens surtout jamais un pionnier, écrivait Reginald à son plus tendre ami. Comme tu le sais, c’est au chrétien le plus zélé qu’échoit ordinairement le lion le plus féroce" (Le Parlement infernal. Nouvelles intégrales. Reginald et les choristes). La Très Sainte Vierge, parce qu’Elle a combattu le lion le plus féroce, étant la femme sans tache, parce qu’elle a écrasé la tête de ce lion rôdant autour de nous, de ce serpent antique, a revêtu cette robe d’immortalité sans subir la déchéance des hommes pécheurs. Elle pénétra dans le Paradis par l’ouverture de l’Ascension, réparant la faiblesse d’Ève. Elle est la pionnière de la nouvelle Création instaurée par son Fils et Elle annonce la promesse qui nous est faite de partager un jour cette même éternité.