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La réforme de la Constitution est l’un des sujets politiques majeurs du Chili, nombreux étant ceux qui veulent revenir sur le texte de 1990. Un processus long et compliqué a été mis en place après les très violentes émeutes de 2019. Un premier texte vient d’être présenté par le nouveau président chilien, qui doit désormais être approuvé par le peuple lors d’un référendum prévu pour le 4 septembre prochain. Les Chiliens ont donc deux mois pour débattre du texte présenté. La campagne s’annonce houleuse, d’autant que le vote sera obligatoire. Une donnée importante, sachant que l’abstention avait dépassé les 50% lors du référendum sur la création d’une assemblée constituante.
Près de 400 articles
Les débats politiques seront d’autant plus passionnés que le texte proposé est un retour au communisme des années 1970, ce qui va raviver les vieilles fractures raccommodées durant les trente dernières années. Alors que le Chili est entré depuis cette date dans la voie de la démocratie parlementaire, avec un bicaméralisme, un président aux pouvoirs limités et qui ne peut faire plus de deux mandats consécutifs, le projet de Constitution, qui contient 388 articles, propose notamment la fin de la Chambre haute avec l’établissement du monocaméralisme. Une bien mauvaise idée quand l’histoire politique de l’Occident a toujours démontré que ce type de régime parlementaire a toujours conduit à des fonctionnements dictatoriaux du fait de l’absence de contre-pouvoirs et donc de discussions raisonnées des textes.
Une Constitution de près de 400 articles est impraticable dans les faits. En voulant tout régenter, prévoir, encadrer, elle annonce un blocage futur du pays et une soumission de la population à sa loi fondamentale. À titre de comparaison, l’actuelle Constitution française est composée de 89 articles, même si certains sont subdivisés. La constitution de la IIIe République, l’une des plus courtes connue par la France et celle qui dura le plus longtemps, est composée de 3 lois constitutionnelles pour un total de 34 articles. Le texte présenté au Chili est donc, dans sa forme même, éloigné de ce que doit être une Constitution.
Retour de la Révolution
Il est également éloigné dans le fond. Une Constitution doit veiller à rassembler les populations et à créer les conditions d’une vie commune, objectifs de bien commun d’autant plus urgent dans un pays qui connait des fractures intellectuelles et sociales majeures. Tout autre est le texte présenté qui renoue avec les passions révolutionnaires des années 1970. Nationalisation des ressources naturelles, rôle majeur donné aux syndicats sur les entreprises, extension de l’État providence dans tous les domaines de la vie privée, avec notamment la constitutionnalisation de l’avortement et de l’euthanasie, droits accordés à la nature, expropriation des terres agricoles.
Le nouveau président Gabriel Boric s’est fait élire sur une ligne d’extrême gauche, en rupture avec le Parti socialiste chilien.
Si cette politique était mise en place et appliquée, le Chili, aujourd'hui pays le plus riche d’Amérique latine, suivrait la route du Venezuela voisin. Une route qui s’est déjà croisée en 2002, en faveur de Santiago. En 1990, le PIB par habitant du Venezuela était le double de celui du Chili (4.500 $ de parité de pouvoir d’achat-PPA). Quand le premier stagne, le second croit. Le PIB chilien par habitant est désormais de 29.000 $ de PPA, quand celui du Venezuela n’est plus comptabilisé par la Banque mondiale depuis 2011. Entre famines, pénuries de produits de base et exils, le voisin des Caraïbes a connu une décennie noire dont il est loin d’être remis.
Un pays violemment divisé
Le nouveau président Gabriel Boric s’est fait élire sur une ligne d’extrême gauche, en rupture avec le Parti socialiste chilien qui se partageait jusqu’à présent le pouvoir avec le parti de droite. Le texte constitutionnel proposé est conforme à sa ligne politique et à l’attente de ses électeurs. Mais il heurte violemment les convictions et les pensées de l’autre moitié de la population chilienne. Les deux mois d’hiver qui arrivent vont donc être particulièrement intenses au Chili, avec un risque non négligeable de violences et de confrontations politiques. De quoi faire ressurgir les plaies et les fractures que tous les présidents depuis 1990 ont tenté d’apaiser. De quoi rappeler aussi qu’une Constitution n’a pas pour nature de flatter un électorat, mais d’apporter la stabilité à un pays, de lui permettre de vivre sereinement sa vie politique et, in fine, d’être un moyen, et non pas une fin, pour parvenir au bien commun.