Elle s’y prépare depuis le début de sa maladie. Il y a quelques années le diagnostic est tombé. En un instant, le monde de Laurence, 54 ans, architecte d’intérieur parisienne, s’est écroulé avec toutes les certitudes d’une vie bien réussie : un portfolio de belles réalisations bien rempli, quelques récompenses, une famille plutôt épanouie avec un mari architecte également et deux filles ados. Maison à l’Ile de Ré, voyages réguliers avec une bande d’amis en Thaïlande pour faire une pause bien-être… Ceux qui connaissent Laurence savent à quel point l’art, le design, la beauté des objets étaient toute sa vie, une religion presque… Le cancer du pancréas ne colle pas à cette vie si réussie. "Au début, j’étais très révoltée contre tous et contre Dieu. Pourquoi moi, alors que je menais une vie sans aucun excès ? Pourquoi moi alors que j’ai tant de choses à faire encore ?", confie-t-elle à Aleteia.
Laurence : Plus j’y réfléchis, plus il me semble clair que mon testament spirituel doit s’inscrire dans ma messe de funérailles…
Il a fallu du temps pour que Laurence accepte finalement qu’elle est sur le point de mourir. Si elle en a très peur, le plus dur est d’accepter que sa famille en souffre et que ses filles ne pourront plus être soutenues et aimées par elle : "C'est une peur panique, mais grâce à une amie psy et un cousin moine, j’essaie d’y faire face et finalement d’apprivoiser mon passage assez proche vers l’au-delà. Il est temps que je m’y prépare."
Un testament spirituel
C’est même devenu quelque chose d’essentiel. Après avoir fait de l’ordre dans ses papiers, Laurence réfléchit à ce qu’elle souhaite transmettre à ses filles, sur le plan matériel, mais surtout sur le plan personnel et spirituel. "Plus j’y réfléchis, plus il me semble clair, explique t-elle, que mon testament spirituel doit s’inscrire dans ma messe de funérailles…" Dans un dossier sur son ordinateur, Laurence indique les lectures et les chants qui lui tiennent à cœur. Tous parlent de la lumière, de l’espérance, de la joie. Comme chant d’entrée, elle a choisi Esprit de lumière, Esprit créateur. Pour le psaume, cela sera Heureux est l’homme qui met sa foi dans le Seigneur. Ensuite l’Evangile selon saint Luc 6, 17 ;20-26 : Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous…, puis comme chant de communion Je n’ai d’autre désir que de t’appartenir, être à toi pour toujours… Et enfin pour le rite d’adieu, ce dernier chant tout simple Laudato Si, o mi Signore.
Par ce choix, j’aimerais que mon mari et mes enfants sachent que mon âme continuera de veiller sur eux. (Laurence)
"Par ce choix, j’aimerais que mon mari et mes enfants sachent que mon âme continuera de veiller sur eux et qu’on se retrouvera un jour tous les quatre à louer le Seigneur au Ciel", explique-t-elle, en continuant à réfléchir en esthète à la décoration florale de l’église. "J’y tiens, cela fait partie de ma personnalité, alors je vais voir avec une amie fleuriste des compositions de fleurs à préparer le jour J. Certainement, elles seront en lien avec la symbolique mariale, une manière de demander à la Vierge de veiller à ma place sur mes proches", conclut-elle émue.
Un credo personnel
Très touché par le décès de son oncle, Mathieu lance cette phrase, avec un ton légèrement provocateur : "Finalement, je préfère les messes de funérailles que les mariages". Ce producteur de documentaires, âgé de 56 ans, explique quelques instants plus tard pourquoi : "Pendant cette messe de funérailles, j’ai appris non seulement plein de choses édifiantes sur la vie de l'oncle Arthur comme ses gestes héroïques pendant la Seconde guerre mondiale, mais j’ai aussi appris son credo personnel.
J’étais triste de lui dire adieu, mais tellement heureux de recevoir de sa part cette magnifique leçon de vie. (Mathieu)
Le choix des chants grégoriens et des lectures qui soulignaient l’humilité de Dieu m’a bouleversé. Tout était dans la sobriété, avec beaucoup de silence pour méditer. J’étais triste de lui dire adieu, mais tellement heureux de recevoir de sa part cette magnifique leçon de vie. C’est un cadeau autant inattendu que précieux", confie-t-il à Aleteia.
Une façon d'évangéliser
Préparer sa messe de funérailles, c’est aussi ne pas laisser des proches parfois perdus dans l’organisation des obsèques, particulièrement pour ceux qui sont éloignés de la foi, et qui se sentent incapables de choisir des textes adéquats et conformes aux souhaits du défunt. Préparer sa messe est donc un service rendu à ceux qui restent et une occasion aussi d’évangéliser. C’est ce que Benoît a souhaité de tout son cœur.
Benoît m'a demandé de lire pendant la messe son récit sur ce jour de conversion qui avait complètement transformé sa vie... (Laetitia)
A 56 ans seulement, ce journaliste a précisé à sa femme, Laetitia, quelques semaines avant sa mort, suite à un cancer, qu’il tenait à une messe d’enterrement dans l’abbaye cistercienne où il avait vécu, alors jeune étudiant, sa conversion spirituelle. Il a demandé à Laetitia de lire pendant la messe son récit sur ce jour qui avait complètement transformé sa vie. "C’était sa manière de redonner aux autres ce cadeau immense qu’il avait reçu de Dieu", explique Laetitia.
Ce qui reste encore à faire
Comme le remarque la psychologue et psychothérapeute Marie de Hennezel dans un entretien publié dans Conversations sur la mort et donc sur la vie (éditions Service catholique des Funérailles) "notre vie est limitée et c’est cette limite qui nous oblige à prendre conscience de l’importance de la vie, de son caractère précieux, et à nous poser les bonnes questions : qu’est-ce qui est essentiel pour moi ? Qu’est-ce qui me reste encore à faire si je sens que j’approche du terme ? Toutes ces questions aident à vivre et donnent le goût de vivre."
Un pied dans l’éternité
Préparer son testament, écrire des lettres adressées à ses proches, mettre ses papiers en ordre et enfin préparer sa messe de funérailles… Comment bien le faire ? Comment bien préparer sa mort ? Ou plutôt comment préparer son passage vers l’au-delà et son salut ? Le conseil du père Paul Habsburg de la paroisse Notre-Dame d’Auteuil à Paris, est de visualiser son dernier jour "avec un pied dans l’éternité". Cette perspective aide à s’y préparer et à voir ce qui est réellement important.