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Masse géographique imposante au centre de l’Afrique, la République démocratique du Congo s’étend tout au long du bassin du fleuve Congo, des rives du lac Albert à l’océan Atlantique. Avec 110 millions d’habitants, c’est le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique. Son immense espace au centre du continent en fait la proie de nombreux troubles qui menacent sa stabilité et son développement, et cela depuis plusieurs décennies. Ces conflits persistants sont tout autant ethniques que religieux. À quoi s’ajoute la volonté de prise de contrôle de ses voisins. Lors de la guerre civile au Rwanda au cours des années 1990, plusieurs milices de combattants se sont réfugiées à l’Est du Congo afin de mener des raids depuis leurs bases contre le Rwanda et l’Ouganda. Une situation qui a déstabilisé le pays et conduit au renversement de Mobutu (1997). Si la situation a évolué, elle ne s’est guère améliorée. Ces dernières semaines ont vu la perpétuation de nombreux massacres de civils, témoin d’une violence humaine que le gouvernement ne parvient pas à juguler. C’est dans ce contexte aggravé que le pape François annonce sa venue au Congo : si sa santé le lui permet, son voyage apostolique aura lieu du 2 au 5 juillet prochains.
Massacres en série
Ces derniers mois ont été le théâtre de nouvelles tueries. Le 28 mai, ce sont près de trente personnes qui ont été exécutées dans un village de la région de Beni. Deux jours plus tard, toujours dans l’Est, mais dans un autre village, c’est une vingtaine de personnes qui ont trouvé la mort, assassinées par des groupes armés. Les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri sont placées depuis un an sous état de siège, renforçant ainsi les pouvoirs de l’armée sans que la violence n’ait pu être limitée. Le 5 juin, c’est une trentaine de civils qui ont été massacrés dans un village d’Ituri. Des combats ont lieu régulièrement à quelques kilomètres de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, où le Pape doit célébrer une messe le 4 juillet prochain.
Les populations mettent beaucoup d’espoir dans ce voyage, qui sera placé sous le signe de la paix, vertu dont le Congo a grandement besoin. La litanie macabre se poursuit : massacre le dimanche 8 mai, toujours en Ituri, pour un bilan de près d’une quarantaine de morts après l’attaque d’une mine d’or. Depuis 1999 que la guerre civile fait rage, l’ONU a estimé à plus de 50 000 le nombre de morts et à plus de 500 000 le nombre de déplacés.
Religions et ethnies
Comme toujours en Afrique, les causes de ces conflits sont multiples, mélange de religion et d’opposition ethnique, même si bien souvent le conflit ethnique est camouflé par des motivations religieuses. Les forces armées du gouvernement affrontent ainsi le M23, le mouvement du 23 mars, qui a fait sécession et a mis la région sous coupe réglée. Ce mouvement, créé en 2012 avec l’aide du Rwanda, tire son nom des accords du 23 mars 2009 qui devaient rétablir la paix au Kivu, mais dont les membres du groupe estiment qu’ils ne sont pas respectés. Depuis 2012, le M23 se livre à des exactions, des attaques et des massacres afin d’imposer son ordre au Kivu, ce qui favorise le Rwanda qui espère toujours déstabiliser le Congo pour prendre le contrôle de cette région.
Autre participant de ces massacres, le groupe ADF (Allied democratic forcies), créé en 1995 en Ouganda comme mouvement d’opposition au président de l’époque. Depuis lors, ses attaques se sont déplacées de l’Ouganda vers le Congo et en 2017 il a fait allégeance à l’État islamique pour en devenir la branche en Afrique centrale. Il continue d’opérer dans l’Est du Congo et en Ouganda, où il perpétue les attentats et les massacres, avec une finalité tant économique (razzia), qu’autonomiste.
Si la proclamation de l’état de siège n’a pas permis de diminuer l’intensité de la violence, elle assure cependant au gouvernement un contrôle de la population et un moyen légal de renforcer l’État policier.
Un troisième groupe est également à la manœuvre, les Codeco, des miliciens issus de la Coopérative pour le développement économique du Congo. C’est le groupe le plus ancien puisqu’il fut fondé en 1970. C’était à l’origine une coopérative agricole qui s’est dotée d’une branche armée en 1998 durant la guerre du Congo, afin de se protéger des attaques des autres groupes ethniques. Depuis lors, la branche armée est restée et organise elle-même ses propres attaques. Elle repose à la fois sur une logique communautaire, l’ethnie Lendu, et sur une secte religieuse qui donne à ses combattants le carburant religieux nécessaire. Les Codeco ont fait parler d’eux le 2 février dernier quand ils ont massacré plus de 60 civils à coups de machette dans le lieu-dit de la Plaine Savo, un camp de réfugiés de la guerre en Ituri.
Contrôle de la région
Ces massacres ne concernent que les régions de l’Ituri et du Nord-Kivu, mais ils sont suffisamment importants et ancrés pour inquiéter le gouvernement congolais. La mise en coupe réglée des mines d’or et de pierres précieuses est une autre motivation de ces groupes. Si la proclamation de l’état de siège n’a pas permis de diminuer l’intensité de la violence, elle assure cependant au gouvernement un contrôle de la population et un moyen légal de renforcer l’État policier. L’État central n’a donc pas d’intérêt immédiat à faire baisser cette violence, étant entendue que nonobstant la déstabilisation de l’Est du pays, elle lui permet de justifier d’un renforcement du pouvoir lui assurant le contrôle de Kinshasa. La Conférence épiscopale du Congo a certes dénoncé ces massacres dans une déclaration publiée le 27 mai, mais sans guère de résultats. En dépit de nombreux appels à la paix et de tentative de médiation, la dégradation sécuritaire reste de mise au Congo. Le voyage du Pape est donc attendu avec beaucoup d’espoir. Si chacun sait que ce ne sont pas ces quelques jours de visite qui pourront arrêter une guerre qui se déroule depuis plusieurs décennies, beaucoup espèrent au moins un peu de baume au cœur et des moments de joie au milieu de la tempête.
Edit : En raison de son genou, le pape François a été contraint de reporter son voyage en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud prévu du 2 au 7 juillet 2022, a annoncé le Bureau de presse du Saint-Siège le 10 juin 2022. C’est la première fois que le pape François reporte un voyage à l’étranger pour raison de santé.