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Alors que l’Église fête Jeanne d’Arc en ce 30 mai, cette sainte patronne de la France et l’une des héroïnes de l’Histoire de notre pays a été le sujet de nombreux films. Parmi les plus célèbres se trouve le fameux "Procès de Jeanne d’Arc" de Robert Bresson sorti en 1962. L’épouse du cinéaste, Mylène Bresson, a réuni de manière chronologique, sur quarante ans, les entretiens du réalisateur qui se voulait cinématographe avant tout — en opposition à l’industrie du divertissement. Nombre de journalistes ont quêté la parole de Robert Bresson, car elle se faisait rare, précieuse donc, déjà en son temps. Lui qui détestait parler pour ne rien dire. Son verbe est aussi précis que ses plans de film, ses idées aussi exigeantes que ses dialogues de scénario.
Au long de plus de 300 pages, ce recueil intitulé tout simplement Entretiens nous ramène au cœur de l'œuvre d’un des plus grands réalisateurs français, à travers des chapitres consacrés à chacun de ses films. Le passage le plus long concerne Le Procès de Jeanne d’Arc (1962). Sous les traits de Florence Delay, le cinéaste nous a donné à voir Jeanne d’Arc face à ses juges, héroïne allant au bûcher. Volontairement avare en mots, Robert Bresson s’était à l’occasion affranchi de cette ascèse, passionné par la figure de la pucelle d’Orléans, transporté par sa vie et animé, sans doute, par ce que Jeanne elle-même aura laissé en lui.
Jeanne, l’audacieuse muse
Jeanne a été sa muse autant que personnage illustre d’un de ses plus grands films. Si bien que Robert Bresson en parle comme si elle lui était apparue. Face à Jean Guitton, écrivain catholique et fameux, il avoue le 2 mars 1962 au centre catholique des intellectuels français ce qui l’a frappé en la figure de Jeanne : "Sa jeunesse, sa magnifique insolence face à des Princes de l’Église et savants prêts à l’envoyer au feu (…), sa pureté, cet état de propreté (…), état en dehors duquel elle savait que rien de grand, rien de glorieux ne saurait se faire. (…) L’analogie de sa passion avec la Passion du Christ". Et d’ajouter "l’élégance de la langue qu’elle emploie", car "sans toucher à une plume, Jeanne a fait œuvre d’écrivain". Mieux encore, pour lui, une chose certaine : "Jeanne n’a pas été violée en prison, puisqu’elle parle, avant le supplice, de son "corps net, en entier, qui ne fut jamais corrompu"".
À une question du public, il répond : "On dirait qu’elle a été un être plus parfait que nous, plus sensible. Elle combine ses cinq sens d’une façon neuve. Elle voit ses Voix. Elle nous convainc d’un monde à la limite de nos facultés. Elle pénètre dans ce monde surnaturel, mais elle ferme la porte derrière elle." (Entretiens parus dans Études cinématographiques, N°18-19). Ce qui est beau dans le rapport de Bresson à Jeanne est sa capacité à la croire sans jamais douter d’elle. La lisant, il se sent comme familier de son langage, se retrouve dans son exigence de la parole, et y devine ainsi son âme. Et sans doute s’identifie-t-il à elle dans son combat, — lui qui, alors autodidacte, a bataillé toute sa vie pour convaincre les producteurs — quand il déclare au journaliste du magazine Le Film Français : "Elle a tenu tête aux plus savants docteurs et théologiens de son époque. Aujourd’hui, encore, sa prudence, sa finesse, son intelligence nous comblent d’admiration".
La supériorité de Jeanne, l’envoyée de Dieu
Ce film est le sixième du réalisateur, qui a déjà tourné Journal d’un curé de campagne sorti en 1951. Il a donc le goût de la grâce en mémoire. Ainsi, son oeuvre cinématographique consacrée au procès de Jeanne d’Arc s’attache à l’injustice, mais aussi au mystère de la vie intérieure de la jeune fille, à l’émotion, surtout, qu’elle suscite, capable d’émerveiller tout spectateur, bien plus que la vision de ses balades à cheval. Ainsi voit-il Jeanne « avec des yeux de croyant », assure-t-il à André Parinaud, journaliste pour Arts. "Je crois au monde mystérieux sur lequel elle ouvre une porte et la referme." Question très actuelle, il lui demande comment il explique l’ascendant de Jeanne sur les hommes de son temps. « Par une combinaison. Elle est l’envoyée de Dieu. Elle est belle, jeune, élégante. Elle tient aussi son pouvoir de son génie ; de sa noblesse, cette vraie noblesse qui vient directement de la terre ; de sa pureté ; de sa simplicité" (elle refusait la vénération de la foule ).
Jeanne d’Arc était un être humain exceptionnel. Quelqu’un qui aurait honoré n’importe quel siècle, n’importe quel endroit du monde!
Mais Robert Bresson, au-delà du procès qu’il a dû étudier à fond, a une vive conscience de ce que représente la vie de Jeanne. Bien plus que certains historiens ou hommes politiques français. "Il n’y a pas de doute qu’elle a remis debout, unifié et fortifié la France, et il n’y a pas de doute non plus que, paradoxalement, elle a fortifié l’Église. Elle a aussi changé la figure de la France et de l’Europe entière pour beaucoup de siècles encore". Et cette parole de Bresson, avant laquelle il rappelle comment Jeanne associe "la vie du Ciel à la vie de la Terre et à l’Histoire", comment "l’amour du pays" l’a aidée à "chasser l’occupant", actualise et rend nécessaire le rôle des saints aujourd’hui, non seulement pour l’Église, mais pour l’Histoire elle-même.
Le journaliste avoue ensuite avoir changé son regard sur la sainte après avoir vu le film, y ayant trouvé "Jeanne d’Arc tout court" grâce à la vision personnelle du réalisateur. Il résume ainsi très bien la puissance de cette œuvre pour nous faire découvrir la vérité de Jeanne, qui elle est et comment elle a pu être cette sauveuse de la France encore tant admirée aujourd’hui. "Jeanne d’Arc était un être humain exceptionnel. Quelqu’un qui aurait honoré n’importe quel siècle, n’importe quel endroit du monde! Quelqu’un de supérieur au plus supérieur des hommes. Voilà les idées que j’ai de Jeanne maintenant, grâce à vous!"