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J’ai le souvenir d’un enfant du catéchisme qui répondait invariablement à toutes les questions que la catéchiste lui posait : « L’amour ». Il avait repéré qu’à l’église, ce mot revenait souvent et qu’il avait peu de chances de se tromper en répondant de cette manière. Par exemple, si l’on demandait : « Qui peut me dire ce qu’est la fête de Pâques ? », il levait le doigt et disait : « L’amour ». Ce qui n’est pas faux, bien entendu, mais demande à être précisé !
L’évangile de ce dimanche montre la place centrale de l’amour dans la foi et dans la vie chrétienne. Nous sommes au cours de la dernière Cène. Jésus a lavé les pieds de ses disciples, puis a repris sa place à table. Ce geste a été l’événement déclencheur qui a décidé Judas de le livrer. Il vient de sortir dans la nuit. À ce moment, Jésus sait que son sort est scellé, que son heure est arrivée : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui » (Jn 13, 31). Les paroles que Jésus prononce alors condensent l’essentiel de son message : « Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ».
Quel est donc cet amour ?
L’amour fraternel est le signe distinctif des chrétiens. On reconnaît les disciples de Jésus à la qualité de l’amour qui les unit. Comment le comprendre ? Quel est donc cet amour ? En effet, il n’y rien de singulier dans le fait que les membres d’un groupe qui partagent une même foi soient solidaires entre eux, s’appellent frères et sœurs, soient liés d’amitié et s’entraident, surtout si l’environnement est hostile. Où se situe la nouveauté chrétienne ? Jésus le dit : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres ». Là se trouve la nouveauté : aimer comme Jésus nous a aimés. En regardant Jésus, nous réalisons ce que signifie concrètement aimer.
Aimer comme Jésus aime, c’est porter le souci d’autrui, en prendre soin en cas de besoin, sans s’imposer, sans se l’approprier.
Aimer comme Jésus aime, c’est reconnaître chacun comme une personne unique. C’est avoir de la considération pour chacun, prêter attention, dépasser la première impression, le jugement hâtif fondé sur l’apparence. C’est prendre le temps, c’est prendre la peine de connaître. L’amour fait sortir de l’anonymat. L’amour dépasse les préjugés. Aimer comme Jésus aime, c’est porter le souci d’autrui, en prendre soin en cas de besoin, sans s’imposer, sans se l’approprier. L’amour est le contraire de l’indifférence. Il est inconditionnel et désintéressé. Cela peut mener loin dans l’engagement, le service, le don de son temps et de sa personne.
Aimer comme Jésus aime, c’est aimer aussi ceux qui ne nous ressemblent pas, pour qui nous ne ressentons aucune sympathie spontanée, qui n’appartiennent pas à notre groupe familial, amical ou social : « Si vous ne saluez que vos frères, dit Jésus, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Mt 5, 47). Le commandement de l’amour s’étend même aux ennemis, à ceux qui nous veulent du mal : « Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 44-45). L'amour fraternel n’est pas limité à ceux de notre clan, il est ouvert à tous. Aimer comme Jésus aime c’est savoir pardonner. C’est permettre à une relation blessée par l’offense d’avoir un avenir.
La nouveauté chrétienne
C’est cet amour qui constitue la nouveauté chrétienne. C’est lorsque nous aimons ainsi que nous sommes les témoins crédibles du Christ pour notre monde. Cet amour excède nos capacités, il est un don de l’Esprit Saint. Le saints — en particulier Charles de Foucauld, canonisé ce dimanche — sont exemplaires de ce que l’amour divin réalise dans un être humain. Nous demandons à Dieu la grâce de le réaliser en nous aussi. Cet enfant du catéchisme avait bien compris que l’amour est le cœur de la foi chrétienne, puisque Dieu est amour et qu’il nous a créés à son image par amour et pour aimer. Que le Seigneur nous fasse grandir dans son commandement de nous aimer les uns les autres afin que le monde croie.