Des grossesses plus tardives
Que se passe-t-il ? Au-delà des difficultés à récolter des données fiables, il est probable que ce phénomène soit multifactoriel, et quelques éléments prédominent, comme le révèle une étude récemment publiée dans The Lancet. La première cause reste celle de la mort inattendue du nourrisson (MIN), un drame qui frappe 350 familles chaque année dans notre pays où le taux de mort subite — c’est-à-dire dont la cause reste méconnue — est le plus élevé d’Europe. Triste constat, alors même que nous sommes l’un des rares pays à s’être doté d’un observatoire ayant pour vocation de mieux suivre, comprendre et donc prévenir ces tragédies.
Une autre cause, liée à des changements culturels et socio-économique notables, est celle des grossesses plus tardives. Dans les pays développés, en effet, on a ses enfants de plus en plus tard. Or, les risques pour la mère et l’enfant augmentent de manière sensible avec l’âge des femmes. Et avec lui, augmentent aussi l’infertilité et le recours à la procréation assistée. L’obésité et le tabagisme sont aussi pointés du doigt, ainsi que la précarité qui s’aggrave et qui touche particulièrement les femmes immigrées. Enfin, la fermeture de nombreuses maternités, les difficultés croissantes d’accès aux soins et l’affaiblissement des services de protection maternelle et infantile (PMI) font aussi partie des raisons expliquant cette regrettable augmentation.
Un chemin de vie
Mais dans cette enquête une donnée mérite d’être relevée. Les femmes qui choisissent de poursuivre leur grossesse, alors même que leur bébé serait porteur d’une pathologie grave qui pourrait les conduire à subir une interruption médicale de grossesse, sont en nette augmentation. Elles étaient 1.189 en 2014, elles sont 1.587 en 2018. Cette évolution joue sur les chiffres de la mortalité infantile, car les IMG ne sont pas comptabilisées, mais les bébés qui sont accueillis au terme de la grossesse et sont accompagnés vers leur mort naturelle dans les premières heures ou jours de leurs vies, en revanche, le sont. Rien ne permet pour l’instant d’expliquer avec certitude cette évolution. Serait-ce lié à un meilleur accompagnement de ces situations difficiles, à un changement de regard des équipes soignantes, après quelques années de pratique, ou encore aux témoignages de couples ayant traversé ce deuil périnatal particulier ?
Je pense par exemple à celui d’Aurélie Guyon et de son mari (La Petite Vie d’Azélie, Éd. Emmanuel). Lorsqu’ils découvrent que le troisième enfant qu’ils attendent est porteur de trisomie 18, dans ce chemin long et difficile, ils ne se résignent pas à l’avortement, mais choisissent d’aller au bout de la grossesse et d’accompagner au mieux leur enfant dans la toute petite vie qu’on lui prédit, pour qu’il vive ce qu’il a à vivre. Au fond, à laisser la vie être la vie et la mort être la mort, tout en offrant à leur deuil une précieuse force : celle de la paix. Pour que se réalise, malgré la souffrance, ce dont se rendra compte la sage-femme qui les accompagne, que « ce n’est pas un chemin de mort que vous allez vivre, mais un chemin de vie ». Il reste que la mortalité infantile est un révélateur de la santé de notre société, espérons qu’elle devienne une priorité de santé publique dans les années à venir.