13,3 millions de personnes concernées
L’infertilité, définie, selon l'OMS, par l'absence de grossesse après 12 mois d'essai, touche directement 3,3 millions de personnes en France. Un chiffre estimé à partir d’une étude de l’Ined et de l’Inserm : sur les 24 millions d’adultes âgés de 20 à 49 ans en France, 3,3 millions de femmes et d’hommes ont rencontré des problèmes d’infertilité nécessitant une aide médicale. Par ailleurs, l'Inserm a mesuré la proportion de couples n’ayant pas obtenu de grossesse après 12 mois de rapports sexuels. Il en résulte qu'un couple sur quatre (ayant un projet parental) serait concerné par l'infertilité.
21 enfant par classe conçu par PMA
Autre élément significatif permettant de mesurer l’ampleur du phénomène : les chiffres relatifs à la procréation médicalement assistée (PMA). Depuis 40 ans, le recours à la PMA s’est développé selon une progression quasiment linéaire. La proportion d’enfants conçus par fécondation in vitro dans la population française progresse de 0,5 % tous les 7-8 ans. Aujourd’hui, 2,5% des enfants français sont conçus par FIV, soit 1 enfant sur 40. Mais en considérant l’ensemble des techniques de PMA (FIV/ICSI, inséminations artificielles, induction simple de l’ovulation), ce sont alors 3,4% des enfants qui sont conçus par PMA. Cela représente 1 enfant sur 30. "À titre illustratif, cela signifie qu’en moyenne, il faut s’attendre dans cette génération à un enfant par classe conçu par PMA", soulignent les auteurs du rapport.
3Premier enfant à 29 ans
La hausse de l’infertilité résulte tout d’abord du recul de l’âge à la maternité. En 2020, en France, un quart des enfants naissent d'une mère de 35 ans et plus et d'un père de 38 ans et plus. Depuis le milieu des années 1970, l’âge de la parentalité ne cesse de reculer : aujourd’hui, les femmes donnent naissance à leur premier enfant à presque 29 ans. C’est 5 ans plus tard qu’il y a quatre décennies (premier enfant à 24 ans en 1974). Or la fertilité féminine décline à partir de 30 ans, et cette chute s’accélère significativement à partir de 35 ans. Le stock d’ovocytes, constituant la réserve ovarienne, est définitivement déterminé avant la naissance, et diminue progressivement jusqu’à la ménopause. À partir de 38 ans environ, l’appauvrissement de la réserve ovarienne s’accentue. Mécaniquement, ces naissances dites "tardives" augmentent le risque d’infertilité.
Selon les auteurs du rapport, ce recul de l’âge à la maternité résulte d’un ensemble de facteurs sociétaux : la généralisation du travail féminin et des techniques contraceptives, un déclin du désir d’enfant chez les jeunes générations, la recherche d’une stabilité professionnelle et affective avant de concrétiser un projet parental, mais aussi l’absence d’une politique publique facilitant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
En outre, la confiance excessive dans les techniques de PMA se traduit par une demande d’accompagnement médical de plus en plus tardif, limitant ainsi les taux de succès. La PMA apparaît aux yeux de beaucoup comme miraculeuse et sans limites. Une vision erronée qui entretient le mythe d’une grossesse possible à tout âge. Or, outre les problématiques éthiques liées à la PMA, au-delà de 38 ans, les résultats de la FIV se révèlent insatisfaisants, et impactés par un taux de fausse couche pouvant atteindre 40%.
4Déclin de 50% de la concentration spermatique
L’âge des femmes n’est pas le seul élément qui entre en cause dans l’infertilité. Une méta-analyse réalisée en 2017 a fait apparaître un déclin de plus de 50% de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011, se poursuivant probablement au même rythme depuis cette date. Ce phénomène serait notamment lié à une exposition régulière aux perturbateurs endocriniens.
Un constat corroboré par une étude réalisée en 2018 par Santé publique France, qui concluait à "des résultats reflétant une altération globale de la santé reproductive masculine en France, cohérente avec la littérature internationale, probablement depuis les années 1970 pour la qualité du sperme". Plus précisément, l’étude française observe chez les hommes une baisse de 32% de la concentration spermatique entre 1989 et 2005, soit une diminution annuelle d’environ 2% par an.
Où se trouvent les perturbateurs endocriniens ? Ils sont présents dans de nombreux produits de la vie courante : les polychlorobiphényles (PCB), les composés perfluorés et les pesticides organochlorés (DDT et dérivés) se retrouvent dans l’alimentation (poisson, volailles, viande, produits laitiers). Les pesticides organophosphorés sont plutôt dans les fruits et légumes. Les phtalates sont présents dans les emballages en plastique, et les conservateurs ou parabènes sont retrouvés dans des aliments ultra transformés et les produits d'hygiène et de beauté. Les produits ménagers, les produits de bricolage ou d’ameublement, les insecticides, les cosmétiques ou encore les parfums d’ambiance sont eux aussi susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens.
520 à 30% d’infertilités inexpliquées
Si certains cas d'infertilité ont des causes médicales connues (pathologies des trompes, troubles de l’ovulation ou endométriose, chez la femme, sperme défaillant ou absent chez l'homme), d'autres situations demeurent parfois inexpliquées. Lorsqu’aucune cause n’a été mise en évidence ni chez la femme ni chez l’homme, l’infertilité est dite idiopathique. Elle représente aujourd'hui 20 à 30% des infertilités.
6Mode de vie et infertilité
Le poids (le surpoids et l’obésité, mais aussi la maigreur), les troubles métaboliques, la nutrition, l'activité physique et la sédentarité, ainsi que le sommeil, l'alcool, le tabac, le café, le cannabis et le stress sont les principaux facteurs qui ont fait l'objet de données récentes. Tous, séparément et combinés, pourraient avoir un impact sur les gamètes (en termes de quantité, mais aussi de qualité), sur les différentes étapes de la fécondation et sur le développement embryonnaire et fœtal. Ainsi, le taux de conception cumulé sur une année pour une femme chute de 83,3% (lorsqu'il n'y a aucun facteur) à 38,8% en présence d’au moins quatre facteurs négatifs (âge, poids, tabac, alcool, caféine/thé, précarité).
Le tabagisme actif concernerait environ 25% des femmes en âge de procréer, 12% des femmes pendant la grossesse et 25% des hommes âgés de 25 à 44 ans. Or le tabagisme réduit la fertilité de l’homme et de la femme : le risque d’infertilité serait multiplié par 2 pour les deux sexes et allongerait le délai de conception d’environ 4 à 6 mois. Selon les auteurs, les femmes ont un risque accru avéré de difficulté à concevoir à partir de six cigarettes par jour.
Concernant l’alimentation, le régime méditerranéen est souvent associé, dans les études, à de meilleures chances pour concevoir, aussi bien chez la femme que chez l'homme. Certains nutriments seraient nécessaires au bon fonctionnement de l’appareil génital masculin et à la production de spermatozoïdes de bonne qualité. Ainsi, une consommation insuffisante en fruits et légumes, en céréales complètes, en aliments riches en oméga 3 (poissons gras, avocats) augmente le risque d’infertilité. En revanche, une consommation élevée de produits laitiers riches en matières grasses (fromages), de pommes de terre, d’aliments à base de soja, de viande rouge, d’acide gras saturés et de sucres, de café et d’alcool, s’avère néfaste pour les fonctions de reproduction masculine. Enfin, la consommation de boissons sucrées chez les hommes réduirait la fertilité.