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Le 21 avril 1944, le général de Gaulle ratifie une ordonnance qui reconnaît l’égalité politique entre les hommes et les femmes et donne le droit de vote à celles-ci. Cette proposition est adoptée pour rendre hommage à la résistance féminine, mais aussi pour rattraper l’important retard de la France dans ce domaine.
Sous l’Ancien Régime, le vote n’était pas individuel : c’est le foyer qui est électeur. Ainsi, les femmes chefs de famille (veuves, célibataires ou femmes seules en cas d’absence de l’époux) votent pour les élections municipales et celles des États Généraux. La Révolution française supprime cette disposition. Le code civil napoléonien, qui établit la femme comme une éternelle mineure toujours soumise à l’autorité d’un homme, vient renforcer encore cette privation du droit électoral.
De nombreux mouvements créés entre 1900 et 1918
La période 1900-1918 est féconde en propositions diverses sur les droits politiques des femmes. Sous l’influence des suffragettes anglo-saxonnes, on constate, en France, la vitalité de la réflexion dans ce domaine. Ce sujet fait l’objet d’études juridiques poussées qui démontrent la légitimité du vote féminin. Les catholiques sont eux aussi de très grands promoteurs de la reconnaissance de ce vote. De nombreux mouvements sont créés pour faire connaître et défendre ce qu’on appelle alors le féminisme chrétien : rôle social de la femme à l’extérieur du foyer et droit de vote. Les femmes à l’origine de ces associations sont toujours soutenues par la hiérarchie ecclésiastique et travaillent en étroite collaboration avec les évêques. Si les catholiques défendent l’égalité politique entre les hommes et les femmes, il n’en est pas encore de même pour la grande majorité des hommes politiques républicains.
Cependant, le poids que la Première guerre mondiale fait peser sur les épaules des femmes contribue à changer la donne. En effet, alors que les hommes sont au front, on voit les femmes assumer pleinement les charges familiales et professionnelles. Comment alors leur dénier le droit de vote ? C’est ce que constate Maurice Barrès, dont la pensée dans ce domaine change radicalement pendant la guerre : considérant en 1911 que la femme n’a pas de vue politique propre, il se prononce dès 1916 en faveur des revendications suffragistes. Et à partir de 1918, le travail parlementaire sur le vote des femmes prend une certaine ampleur.
Si certains voient le droit de vote comme une récompense à l’effort de guerre fourni, d’autres défendent un droit inhérent à la personne humaine.
Le 8 mai 1919, une proposition de loi engage les députés à débattre sur le droit de vote partiel des femmes, pour les élections municipales. Cette question dépasse les clivages politiques traditionnels puisque communistes et catholiques se prononcent en faveur de ce droit de vote, malgré des arguments divergents. Si certains voient le droit de vote comme une récompense à l’effort de guerre fourni, d’autres défendent un droit inhérent à la personne humaine. Le 20 mai, juste avant le vote, trois députés déposent des amendements en faveur de l’égalité politique totale des hommes et des femmes. Mis aux voix, ce projet est adopté par 344 députés contre 97. Ainsi, l’Assemblée nationale accorde à toutes les femmes majeures le droit de vote et l’éligibilité à toutes les élections, locales comme nationales. Notons que la droite était, pour une fois, largement majoritaire au sein de cette Chambre nouvellement élue qui comptait un nombre important d’anciens combattants peu politisés.
La même année, le combat des femmes obtient un appui de taille puisque le Pape lui-même se prononce en faveur du vote féminin. Après avoir favorisé la création de l’Union des femmes catholiques italiennes, Benoît XV affirme en effet, dans un discours prononcé en octobre 1919, que le champ de l’activité féminine a été élargi et qu’il existe, pour la femme, un apostolat au milieu du monde, en dehors du foyer. Paradoxalement, alors que le suffragisme achève de conquérir toutes les couches de la société, le Sénat français se crispe dans une résistance qui apparaît malvenue. La prise de position de Benoît XV en faveur du vote féminin inquiète certainement cette Chambre composée en majorité de Républicains anticléricaux.
Vif débat au Sénat en 1922
La commission sénatoriale, chargée d’examiner la loi votée par les députés, utilise la force d’inertie pour bloquer cette réforme : elle se met en sommeil jusqu’en juin 1922. Finalement, son rapport est un réquisitoire bref et incisif contre le vote féminin. Il se fait l’écho du mouvement de pensée dominant au sein du parti radical, principal parti républicain à cette époque. Outre la dévalorisation systématique de la femme, on retrouve l’inquiétude de voir apparaître un vote qualifié de "clérical" qui pourrait remettre en cause l’équilibre politique mis en place par ce même parti. En effet, les Républicains craignent rien de moins que les femmes votent pour des hommes politiques catholiques.
Lorsque le débat sur ce projet de loi s’ouvre au Sénat le 7 novembre 1922, on retrouve les mêmes arguments dans les discours de plusieurs parlementaires. Le sénateur radical François Labrousse, alléguant sa position de médecin, explique que "les femmes ne sont pas aptes à voter, ni physiologiquement, ni psychologiquement". Le discours pseudo-scientifique est ainsi utilisé avec cynisme pour justifier une inégalité flagrante. Cependant les contre-arguments sont nombreux à la tribune. Voyant cela, le rapporteur de la commission sénatoriale demande un vote d’urgence afin de couper court aux discussions. Et finalement, le vote féminin est rejeté par 156 voix contre 134.
Pourtant, le vote des députés français n’a rien de novateur en 1919. Il s’accorde avec le mouvement global d’émancipation politique des femmes. En effet, à cette époque, la plus grande partie des États européens reconnait la légitimité du vote féminin. Dans les années suivantes, les sénateurs français rejetteront par trois fois encore ce projet de loi. Agitant le chiffon rouge d’un soi-disant danger pour la République, le Sénat s’obstine ainsi pendant de nombreuses années à refuser la légitime aspiration de la moitié de la population française et, de ce fait, à juguler la démocratie. En définitive, les femmes votent pour la première fois aux élections municipales d’avril 1945, un siècle après l’instauration du suffrage universel masculin.