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Un rural a fait mieux que l’élue de la capitale. Tout un symbole ! Au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, le candidat Lassalle s’est fendu d’un tweet improbable : "Devant les difficultés financières du PS, LR et EELV, Résistons France [ndlr : Résistons! est le nom de son parti] a décidé de faire un don équivalent à chacun d’eux afin de respecter le principe d’égalité qui m’est si cher et qui a prévalu tout au long de cette campagne…" Le député des Pyrénées-Atlantiques a conclu son tweet avec une maxime de La Fontaine : "On a souvent besoin d’un plus petit que soi." Mesurant 1,90 m, l’élu a assorti son texte d’un clin d’œil et du cliché des trois chèques — au montant dissimulé — à destination de Valérie Pécresse, Yannick Jadot et Anne Hidalgo, que leur cuisant échec — sous la barre des 5% — met en grande difficulté financière…
Ses inénarrables facéties
Parmi les "petits candidats", le député Lassalle a obtenu — avec peu de moyens — 3,13% des suffrages exprimés. Il a plus que doublé son score de 2017 (1,21%) ! Ce succès d’estime peut surprendre, tant il tranche avec les scores de plusieurs représentants de partis installés. Qui l’eut cru ? Arrivé 7e sur 12, il surclasse la représentante du Parti socialiste et maire de la capitale (1,8%) et le candidat du Parti communiste (2,3%) et n’a pas à rougir de la comparaison avec la candidate des Républicains, présidente de la région Ile-de-France (4,8%) et celui d’Europe écologie les verts (4,6%). En 2017, Lassalle avait déjà concouru, obtenant facilement ses 500 signatures dans le vivier des maires ruraux.
Les clowns savent bien que les pitreries sont un moyen aussi subtil qu’efficace de faire passer des vérités profondes.
Original, adepte de l’autodérision, l’homme aime conforter son image d’amuseur. Ses inénarrables facéties enregistrées par les caméras du Palais Bourbon en témoignent. Un exemple ? Sa sortie mémorable sur le permis de conduire en 2015… Il dénonçait les contraintes kafkaïennes que l’administration peut imposer aux petites gens, auxquelles le Béarnais s’assimile volontiers. Les clowns savent bien que les pitreries sont un moyen aussi subtil qu’efficace de faire passer des vérités profondes. En novembre 2018, il provoqua une suspension de séance pour avoir enfilé un gilet jaune dans l’Hémicycle, transgressant le devoir de neutralité, en matière de tenue vestimentaire, exigé des parlementaires. Il ne craint ni le ridicule, ni les coups d’éclats et chante volontiers dans sa langue maternelle : l’occitan du Béarn.
Un défenseur du pastoralisme
Jean Lassalle est surtout — et avant tout — un élu de terrain, et un homme de conviction. En 2017, il n’a abandonné son mandat municipal à Lourdios-Ichère qu’après quarante-deux ans, contraint et forcé par une nouvelle loi interdisant le cumul des mandats. Il s’est d’ailleurs opposé à celle qui permet les "mariages forcés" des petites communes. Ce parlementaire inusable est l’archétype du "peuple de quelque part" par opposition aux "gens de partout" selon la classification proposée en 2017 par David Goodhart, qui dessine aux yeux du Britannique, le nouveau clivage politique. Le Béarnais a maintes fois payé de sa personne pour défendre sa vallée, son département, la montagne en général, ainsi que la ruralité. Le député des Pyrénées-Atlantiques se fit connaître en 2006 par une grève de la faim qui l’a conduit, après 31 kg d’amaigrissement, jusqu’à l’hospitalisation. C’est un tenace. Après intervention de l’exécutif, il obtint, cette année-là, ce qu’il voulait : le départ d’une entreprise qui conditionnait le maintien de l’emploi dans sa chère vallée fut annulé.
Il n’y a rien de plus choquant que de considérer les Français comme incapables de choisir par eux-mêmes.
Dur au mal, Lassalle le prouve à nouveau en 2013 en vagabondant pendant huit mois sur les routes de France, parcourant à pied 5000 km à la rencontre de ses concitoyens. Il lance en cette occasion les "Cahiers de l’espoir", sorte de cahiers de doléances en positif. Il se prononcera successivement contre la loi Taubira, ouvrant le mariage civil aux personnes de même sexe et contre l’ouverture des techniques de procréation artificielle aux femmes seules ou vivant ensemble. Critiqué par le courant animaliste comme un homme qui "agit contre les animaux sauvages", il défend le pastoralisme contre une écologie urbaine et bourgeoise qu’il estime ignorante des réalités de la ruralité. Ses voyages en France et aussi en Europe l’ont conduit à alerter sur le malheur des peuples : "Vous avez un sentiment qui s’empare de l’ensemble du peuple, un sentiment d’angoisse, de peur, d’oppression" a-t-il déclaré une semaine avant l’élection.
Une part de l’âme de la France
À l’annonce des résultats du premier tour, Jean Lassalle s’est désolé : "Des hommes et des femmes n’ont pas voté comme ils auraient aimé voter, contraints par le vote utile, le matraquage des sondages et l’inégalité de traitement des médias nationaux." Il n’a pas donné de consigne de vote pour le second tour : "Je laisse à toutes celles et ceux qui ont bien voulu me faire confiance leur libre choix pour dimanche 24 avril" en expliquant : "Il n’y a rien de plus choquant que de considérer les Français comme incapables de choisir par eux-mêmes."
Lassalle est "passé sous les radars" de la plupart des instituts de sondage. Vote d’adhésion ou de contestation ? Les analystes hésitent. En tous cas, son score est une "surprise" qui ne doit pas étonner l’intéressé : "La classe politico-médiatique ne supporte pas que je ne sois pas un technocrate hors-sol" confiait-il au Temps vers la fin de la campagne. Sa truculence d’enraciné indéracinable parle de la souffrance d’une bonne partie du peuple français. Père d’un rugbyman professionnel et frère d’un berger transhumant récemment retraité, Jean Lassalle incarne, entre nostalgie et espoir de renouveau, une part de l’âme de la France.