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Depuis un mois, les feux médiatiques sont braqués sur l’Ukraine et l’invasion russe. D’autres guerres ébranlent le monde, parfois ancienne et longue, comme la guerre qui sévit au Yémen depuis 2014. Lors de l’unification du Yémen en 1990, les tribus du nord se sont senties marginalisées par le pouvoir central. Cette marginalisation a débouché en 2004 sur la guerre de Saada, dans le nord-ouest du pays. Puis le conflit s’est développé et approfondi jusqu’à aboutir en 2014 à la guerre civile actuelle. Cette guerre interne oppose le mouvement houthis (chiite) aux forces gouvernementales. Ce qui était un simple conflit interne a pris une dimension internationale dès 2015 avec l’entrée en jeu de l’Iran, qui soutient les houthis, et de l’Arabie saoudite, qui les combat. Depuis lors, la situation est figée, en dépit de bombardements nombreux dans les villes du pays et le déplacement de milliers de civils.
Les houthis tirent leur nom de leur dirigeant, Hussein al-Houthi (1956-2004), qui a débuté l’insurrection de Saada en 2004, lors de laquelle il périt. C’est en son hommage que le mouvement prit ensuite son nom. Il s’agit à l’origine d’une confrontation à la fois ethnique, religieuse et politique, entre les tribus du nord et du sud, les chiites et les sunnites, la marginalisation ou la prise de contrôle du pouvoir central. La révolte des houthis débutée en 2004 a pris une tournure plus importante en 2014 quand l’insurrection s’est diffusée à l’ensemble du pays.
Le mouvement houthi est lui-même issu d’un mouvement de régénération de l’islam au Yémen dont plusieurs membres ont ensuite opté pour la lutte armée. Cette guerre mêle donc la politique, la religion, la géographie et la culture au sein d’un Yémen qui manque d’unité historique et politique. Les houthis contrôlent essentiellement le nord-ouest du pays, zones montagneuses, alors que les loyalistes conservent le contrôle de la côte et du sud, dont le port d’Aden, que les houthistes n’ont pas réussi à prendre malgré plusieurs offensives.
Guerre par procuration
La guerre au Yémen est aussi une guerre par procuration que se livrent les deux puissances régionales antagonistes que sont l’Iran et l’Arabie saoudite. Entre les deux pays, l’opposition est totale : religieuse entre le champion du chiisme et la bannière du sunnisme radical ; politique puisque les deux pays prétendent incarner la réussite de l’islam politique ; culturelle tant est ancienne l’opposition entre les Perses et les Arabes ; économique, puisque ce sont deux puissances pétrolières et gazières.
L’égalité des forces et le caractère clanique et géographique de cette guerre expliquent sa durée et la grande difficulté à y mettre un terme.
Iran et Arabie veulent prendre le contrôle politique et moral de la région, reléguant les Turcs et les Irakiens au second plan. Chacun a donc intérêt à soutenir son camp au Yémen et surtout à chercher, en faisant durer la guerre, à affaiblir le camp adverse. L’égalité des forces et le caractère clanique et géographique de cette guerre expliquent sa durée et la grande difficulté à y mettre un terme.
Drames humanitaires
Difficile de connaître l’état réel du drame humanitaire provoqué par le conflit. L’ONU a diffusé quelques chiffres qui donnent une idée de l’ampleur des dommages causés aux civils. En 2019, l’Organisation estime ainsi le nombre de morts à 230.000 dont 100.000 péris dans les combats et 130.000 personnes victimes de la famine et des maladies. Chiffres revus à la hausse à la fin de l’année 2021 où cette fois-ci l’ONU a avancé le nombre de 370.000 morts, pour une population de 28 millions d’habitants.
Une grande partie de la population souffre de la famine et du choléra, ce qui engendre maladies et décès. À cela s’ajoutent les conditions de vie difficile pour les déplacés qui trouvent refuge dans des camps provisoires. Un bilan humain très lourd et qui s’accroît chaque année, une guerre qui dure depuis huit ans sans aucun espoir de fin, des groupes armés et des tribus qui n’ont aucune envie de déposer les armes, tout cela concourt à créer un conflit terrible et désastreux, qui se déroule dans un silence médiatique presque total.