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Une campagne électorale sans débat: faut-il s’en inquiéter ?

Débat politique La France face à la guerre le 14 mars 2022 sur TF1.

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Jeanne Larghero - publié le 18/03/22
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Lorsque les visions politiques ne peuvent faire l’objet de confrontation publique, rien ne permet de distinguer un programme d’une idéologie. Pour la philosophe Jeanne Larghero, notre vie sociale commune se construit sur notre capacité à débattre.

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Plus grand monde ne veut débattre. Sauf les candidats qui, loin du second tour, n’ont semble-t-il pas grand-chose à perdre. En revanche, ceux qui se sentent assurés de décrocher une place en finale ne sont pas pressés de prendre des risques. Est-ce grave docteur ? Oui, pour une première raison. La confrontation d’idées est le moteur de la vie politique. Lorsque les visions politiques ne peuvent faire l’objet de confrontation orale, publique, rien ne permet de distinguer un programme d’une idéologie. Les outils de la critique sont confisqués, puisque les objections adverses n’ont pu être formulées par ceux qui les portent. La sanction du réel devient secondaire : peu importe qu’un programme soit irréaliste, tant qu’il a sa logique propre. C’est exactement à cela qu’on reconnaît une idéologie : c’est une idée qui a toujours raison. En revanche, débattre oblige à incarner ses convictions, à montrer que la vie politique n’est pas seulement affaire de théories, mais engagement humain.

Notre vie sociale commune est donc bâtie sur cette capacité à débattre.

L’évitement de la controverse est alors préoccupant pour une deuxième raison. Une campagne qui substitue l’exposé, en mode meeting, au débat, une campagne qui substitue le dialogue policé, la causerie télévisée, à la controverse énergique ne peut que dégrader le lien social. Pourquoi ? Pour une raison extrêmement profonde, structurelle. Nous sommes, nous, êtres humains, doués de raison, c’est-à-dire de la faculté de penser, et de la faculté à émettre des arguments. Or, depuis Aristote, Périclès ou Cicéron, l’histoire de la pensée n’a cessé de mettre en lumière la relation étroite entre notre capacité à échanger des idées et notre destination sociale. Aristote le soulignait déjà : la parole permet de « manifester le bien et le mal, le juste et l’injuste ». Or c’est le propre de l’humanité que d’avoir le sens de la justice, c’est-à-dire de ce qui nous permet de bien vivre ensemble. 

Construire une vie commune

Avoir le sens de la justice, exprimer la façon dont nous concevons ce qui est juste, mettre des mots sur ce que nous considérons comme injuste permet de construire une vie commune : la vie de famille pour commencer, la vie sociale par extension. Notre vie sociale commune est donc bâtie sur cette capacité à débattre, elle exige que nous puissions formuler, affiner, définir ensemble les contours de nos droits et devoirs mutuels. Or seul le débat permet de tester la validité de nos conceptions d’un monde plus juste. Sans ces conceptions ayant passé l’épreuve de la confrontation publique, on ne peut espérer construire une vie véritablement commune, on se condamne à faire coexister des minorités, des communautés campées sur leurs positions. Alors acceptons ce paradoxe : la confrontation est un chemin vers l’unité !

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