La nuit du 15 au 16 avril 2019, deux cœurs battants partent en fumée. Le joyau architectural que constitue Notre-Dame de Paris et le rayonnement spirituel d’une cathédrale pour des millions de Français. Lors du dramatique incendie, une foule spontanée s’est retrouvée là pour assister à une scène inimaginable. Une ceinture de passants entoure littéralement les alentours sur des mètres, si bien que l’île de la Cité devient infranchissable. On pleure Notre-Dame d’un côté, on prie pour elle de l’autre, pendant que les pompiers tentent de sauver des flammes ce qu’il reste, comme les trésors de la cathédrale. Des fidèles adressent leurs chants à Notre-Dame, ici un chœur de gospel, là des chants traditionnels catholiques ou un Je vous salue Marie.
L’un des travers de notre société est d’avoir perdu le sens du sacré.
Dans son carnet de bord du tournage (Notre-Dame Brûle, carnet de bord du tournage, de Jean-Jacques Annaud et Stéphane Boudsocq), le réalisateur révèle que "les religieux qu’il a déjà rencontrés ne sont pas étonnés que ce soit lui qui fasse ce film-là". Jean-Jacques Annaud n’est pas croyant mais porte en lui, depuis l’enfance, un attrait indéniable pour le religieux. Venant d’une famille athée et républicaine, personne ne l’initie à quelque religion ou à l’existence d’un au-delà. Il se souvient vers l’âge de 12 ans "en avoir ressenti un manque". Et d’avouer, "j’avais sans doute besoin de spiritualité". Il se passionne alors pour les architectures médiévales et la musique sacrée. Depuis, s’il s’estime incapable de réciter la moindre prière, il a "un respect profond pour la foi des autres".
C’est donc avec un scepticisme mêlé de fascination qu’il recueille des avis contraires sur le sauvetage de Notre-Dame qui, selon lui, est très rationnel, même s’il lui prête un caractère miraculeux. "Beaucoup de ceux avec qui je m’entretiens ont la certitude absolue qu’une force suprême a transformé l’événement du 15 avril 2019…" La statue de la Vierge située à l’intérieur de la cathédrale, par exemple, a été entièrement épargnée, malgré les sérieux dégâts à l’entour, tout comme la Sainte Couronne d’épines. Son sauvetage in extremis par les pompiers et au plus fort du danger, très bien rapportée dans le film, est lui-même assez éloquent en ce sens. "Sur le fond, l’un des travers de notre société est d’avoir perdu le sens du sacré", admet-il. Jean-Jacques Annaud a en tout cas pris soin d’insérer, vers la fin du film, l’image de cette statue épargnée au cœur du désastre.
Le sauvetage de la couronne d’épines
L’une des intrigues du film tourne autour du sauvetage de la couronne d’épines, aussi important que celui de la cathédrale aux yeux des autorités religieuses. Saint Louis l’avait acquise vers 1230, au prix fort, puisque la somme représentait la moitié du budget du royaume de France. Ce n’est évidemment pas à cause de cette valeur marchande que la Couronne du Christ trouve sa valeur, même s’il faut respecter les efforts de l’Histoire. Donc, ce soir du 15 avril, les pompiers, au fil de discussions avec des experts, prennent tout à coup conscience de l’urgence de sauver également ce trésor spirituel. Mais il existe deux exemplaires de la couronne : la copie et la vraie, dont peu de personnes ont connaissance. Une poignée seulement détient le code du coffre où l’originale se trouve. La Couronne se trouve alors dans la chapelle des Sept-Douleurs, dans l’axe du transept, sous les ogives branlantes de Notre-Dame, dont sortent et du plomb et des flammes.
Une magnifique scène illustre également le respect du réalisateur pour le sacré, lorsque l’aumônier des pompiers sauve dans le tabernacle le calice contenant les hosties consacrées, le corps vivant du Christ. Jean-Jacques Annaud a su aussi bien donner dans le sensationnel que dans le spirituel, sans en faire trop dans l’un et l’autre, avec une finesse et une maîtrise de bon ton. Et il nous donne à voir, à force d’enquête et de travail, ce qu’il s’est réellement passé cette nuit terrible, du plus beau au plus terrible.
Pratique :