Princesse au temps de la Rus' de Kiev, Anne de Kiev est devenue reine des Francs par son mariage le 19 mai 1051 à Reims avec le roi Henri Ier, petit-fils de Hugues Capet. La France lui doit l’introduction du prénom Philippe, ainsi que la fondation de l'abbaye Saint-Vincent, à Senlis (Oise).
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Fille de Iaroslav le Sage, grand prince de Kiev, Anne de Kiev descend en droite ligne de saint Vladimir (son grand-père), dont le baptême marque le début de l’évangélisation de la Rus' de Kiev, et de sainte Olga (son arrière-arrière-grand-mère), première princesse chrétienne en Russie.
À cette époque, au royaume des Francs, le roi Henri Ier est veuf et sans héritier. Parmi les têtes couronnées d’Europe, Anne de Kiev apparaît comme le parti idéal. Sans compter que son lien de parenté est suffisamment éloigné pour ne pas tomber sous le coup de l'interdiction pontificale des mariages entre parents. Leur mariage est célébré en grande pompe le 19 mai 1051 à Reims. Ils ont quatre enfants : Philippe, Robert, Emma et Hugues. En hommage à Philippe II de Macédoine (le père d'Alexandre le Grand) dont elle serait la descendante, Anne donne à leur fils aîné le prénom Philippe, l'introduisant ainsi pour la première fois en Occident. Les milliers de personnes qui ont porté, portent ou porteront ce prénom d'origine grecque le doivent donc à Anne de Kiev qui l'introduisit à la cour de France en 1052. Philippe est associé au trône en 1059, et succède à son père l'année suivante sous le nom de Philippe Ier. La régence est exercée par son oncle le comte de Flandre Baudoin V jusqu'en 1067.
L’abbaye Saint-Vincent, à Senlis
Autre héritage, plus spirituel, de la présence de la princesse ukrainienne en France : l'abbaye Saint-Vincent, à Senlis, dans l'Oise. Henri Ier meurt le 4 août 1060. Anne de Kiev se retire dans la demeure royale de Senlis avec ses enfants. Pour honorer la mémoire de son défunt mari, elle fonde l'abbaye Saint-Vincent en 1060 sur le site d'une ancienne chapelle. L'église de l'abbaye est consacrée le 29 octobre 1065 à la sainte Trinité, à Marie, à saint Jean-Baptiste et à saint Vincent. Selon la tradition, Anne aurait fait le vœu de bâtir un monastère en honneur de saint Vincent de Saragosse si Dieu accordait des enfants au couple royal.
Une autre interprétation des faits prête à Anne une motivation beaucoup plus ambigüe. En 1063, elle se remarie avec le comte de Valois, Raoul de Crépy, après que celui-ci ait répudié son épouse légitime. Cette union suscite la réprobation des évêques et le couple est excommunié en 1064. La fondation de l’abbaye aurait-elle été un moyen, pour Anne, de se racheter aux yeux de l'Eglise ?
L'abbaye abrite des chanoines réguliers de saint Augustin. Anne de Kiev y aurait vécu pendant quelques années. Puis vers 1074, Anne quitte Senlis, sans doute pour regagner son pays. Elle demande à son fils Philippe Ier de prendre le titre de fondateur de l'abbaye. Le roi accepte, et le patronage des rois de France devient héréditaire.
Il ne reste rien des constructions de cette époque et les bâtiments actuels se partagent entre la seconde moitié du XIIe siècle (église) et les années 1660, époque où les bâtiments conventuels sont reconstruits en totalité, offrant un remarquable exemple d’architecture classique. Vendu comme bien national en 1790, le bâtiment est successivement utilisé comme hôpital militaire, caserne, filature puis maison d’éducation à partir de 1836.
Aujourd’hui, c’est un lycée privé, le lycée Saint-Vincent, qui occupe les lieux. Les quelque 800 élèves, de la 2nde au BTS, ont cours dans des salles classées monument historique, et passent tous les jours devant une statue d’Anne de Kiev ornée d'une couronne et de deux longues tresses, soutenant de sa main gauche une église. Elle a été représentée de la même manière en 1998 sur des timbres à son effigie édités par la poste ukrainienne : sa main droite arbore un sceptre surmonté d'une fleur de lys, symbole de son titre de reine des Francs, tandis que son bras gauche soutient l'abbaye Saint-Vincent.