Mais dans ce tumulte de réactions certaines voix se font entendre : celles des catholiques. En Ukraine, les catholiques ne sont pas majoritaires. Mais ils ont un rôle singulier à jouer. Sur place, l’Église gréco-catholique ukrainienne joue un rôle pivot, encourageant à l’apaisement et se gardant de s’investir dans le conflit. Et pour cause, dans un paysage religieux marqué par les divisions entre l’Église orthodoxe ukrainienne rattachée au Patriarcat de Moscou, l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev et l’Église orthodoxe ukrainienne autocéphale, l’Église gréco-catholique ukrainienne s’impose comme un interlocuteur fiable pour les autorités en participant volontiers aux initiatives œcuméniques et en se gardant de faire de la politique.
L'acte de consécration de l'Ukraine à Marie
Avec la détérioration de la situation, les évêques ukrainiens ont appelé le 24 février chaque prêtre, après chaque messe, à prier l’acte de consécration de l’Ukraine au Cœur Immaculé de Marie. "À vous, Marie, à votre Cœur Immaculé, nous nous consacrons et nous consacrons à cette heure dramatique de l'histoire de l'humanité et de l'histoire de l'Ukraine", récitent ainsi depuis fin janvier chaque prêtre lors de l'office. Une démarche qui n’est pas sans rappeler celle de Jean Paul II qui, le 25 mars 1984, dans un contexte géopolitique particulièrement tendu, avait consacré la Russie au cœur Immaculé de Marie.
Nous sommes prêts à accueillir les gens dans les églises, à leur fournir de la nourriture et de l’eau.
Sur place encore, les carmélites de Kiev, la capitale, et Kharkov, ville proche de la frontière ukrainienne, ont fait le choix de rester dans leurs monastères malgré les attaques russes déjà survenues dans ces deux villes.
La Caritas se prépare quant à elle à accueillir une vague de civils fuyant les bombardements. "Nous avons décidé que le mieux que nous puissions faire est de renforcer notre réseau : renforcer notre communication, en nous assurant que tous nos centres sont à pleine capacité pour pouvoir répondre à tout type de besoins humanitaires qui pourraient survenir", a déclaré Tetiana Stawnychy, présidente de Caritas Ukraine, basée à Kiev, ce mardi. "Nous avons préparé une première réponse en cas de crise de PDI (personnes déplacées à l'intérieur du pays, ndlr) ; comment nous réagirions et ce dont nous avons besoin pour être en mesure de le faire. Nous avons donc fait beaucoup de pré-positionnement des plans afin que nous soyons prêts au cas où quelque chose se produirait."Une vague de réfugiés que se prépare à accueillir largement l’Église du pays, a également assuré Mgr Mieczyslaw Mokrzycki, métropolite et archevêque catholique romain de Lviv. "Nous sommes prêts à accueillir les gens dans les églises, à leur fournir de la nourriture et de l’eau. Nous avons organisé des cours de premiers secours pour les prêtres, les religieux et les laïcs afin de pouvoir soigner les blessés en cas de besoin". L’archevêque a indiqué que des déplacés internes ukrainiens étaient déjà arrivés dans l’ouest du pays. "Des maisons vacantes ont été louées, et elles servent maintenant de logements aux réfugiés".
Le curé de la paroisse gréco-catholique de Lisichańsk dans la région de Louhansk, le père Sergiei Palamarczuk, n’a pas tardé à agir pour venir en aide aux personnes fuyant le conflit. L’agence italienne Sir, qui a réussi à le joindre, rapporte qu’il emmenait avec lui plusieurs familles voulant se réfugier dans sa maison paroissiale. "Nous fuyons actuellement Muratow car les armes circulent énormément. On voit des véhicules militaires, on entend le bruit des bombardements et des tirs de mortier. De nombreuses familles ont fui en voiture et nous sommes les derniers à quitter la zone", raconte-t-il. "Certains, cependant, sont restés parce qu'ils ne savaient pas où aller. Le problème c'est qu'on sait d'où fuir, mais on ne sait pas où aller. […] Quand nous arriverons chez moi à Lisiczańsk, nous devrons réfléchir à ce qu'il faut faire et où aller."
Une réalité du terrain qui retentit avec force à l'international, à commencer par le pape François. Il n’a eu de cesse ces dernières semaines d’appeler à la paix et à une résolution pacifique du conflit. Il a d’ailleurs demandé à ce que le 2 mars, date du mercredi des cendres, soit une journée de prière et de jeûne pour l’Ukraine. "À l’absurdité diabolique de la violence, nous répondons par les armes de Dieu, par la prière et le jeûne", a-t-il assuré. "Que la Reine de la paix préserve le monde de la folie de la guerre.
C'est également la ligne que défend le cardinal Pietro Parolin, numéro 2 du Saint-Siège. "Les scénarios tragiques que tout le monde craignait deviennent malheureusement réalité", a-t-il déclaré dans un message vidéo publié ce jeudi. Il invite cependant à ne pas perdre espoir, demandant une "lueur de conscience de la part de ceux qui tiennent les destinées du monde entre leurs mains". Évoquant les "opérations militaires russes sur le territoire ukrainien", l’homme souligne "l’urgence dramatique" du message de paix porté par le pape François. "Il est encore temps de faire preuve de bonne volonté, […] de négocier, […] d’exercer une sagesse qui empêchera les intérêts partisans de prévaloir, protégera les aspirations légitimes de tous et épargnera au monde la folie et les horreurs de la guerre", assure encore le cardinal.
Initiatives de prière
À la suite du pape François Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France "appelle les catholiques de France à prier pour les ukrainiens et pour le retour de la paix en Ukraine, pour toutes les victimes de la violence aveugle que porte la guerre", a-t-il réagi. "Prions aussi pour le peuple russe tout entier, dans sa diversité. Dans notre prière, n’oublions pas les soldats, les familles qui seront endeuillées, les personnes qui seront blessées. N’oublions pas non plus les populations civiles et, parmi elles, les plus fragiles et les pauvres qui sont trop souvent les premières victimes des conflits. La responsabilité des dirigeants qui décident la guerre est immense à leur égard." D’autres initiatives de prière concrètes ont été prises partout en France comme la récitation du chapelet devant la grotte de Lourdes ce jeudi pour partie en ukrainien pour le retour de la paix, le chapelet international pour la paix de Aleteia ou encore l’appel de Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes "à se réunir ce dimanche 27 février afin de prier ensemble pour la paix et pour la fraternité" ou encore des veillées de prière organisée par plusieurs paroisses.
Dans la cathédrale ukrainienne de Paris, une prière pour les soldats qui défendent "la patrie" a résonné avec force ce jeudi 24 février. "Que le Seigneur protège […] ceux qui ont subi les conséquences de la guerre", a récité un prêtre en français durant la messe. "Prions encore pour que Dieu veille sur tous les soldats qui remplissent leur devoir de protection et de défense de la patrie". La litanie, destinée aux militaires, correspond "à la réalité de la guerre", quand "il y a des blessés, des morts", a indiqué le père Ihor Rantsya, recteur de la cathédrale. "Pendant la pandémie, on priait pour les hôpitaux et le personnel de santé. Maintenant, on lit ce passage. La foi, ce n’est pas quelque chose d’abstrait".
L'urgence de l'accueil des réfugiés
Sur le plan logistique l’Aide à l’Église en détresse (AED), très active en Ukraine, a annoncé avoir débloqué un million d’euros d’aide d’urgence pour soutenir l’action de l'Église sur place, auprès des populations. En Pologne Mgr Gądecki, président de la conférence épiscopale polonaise, a également lancé un appel pour qu’à la fois ce dimanche et Mercredi des cendres, après chaque messe, une collecte d’argent soit organisée, qui -par le biais de Caritas Pologne- sera allouée pour aider les réfugiés de guerre en Ukraine.