"Il faut prier car tout dépend de Dieu, mais agir comme si tout dépendait de nous". Éloi Verly, 23 ans, reprend cette citation de saint Ignace de Loyola avec enthousiasme. Il explique pourquoi, dès le mercredi 12 janvier, il a répondu à l’appel de "La France Prie" et décidé d’organiser le chapelet devant le calvaire de la place du marché au Lion-d’Angers. Charpentier, Éloi a toujours eu une vie spirituelle rythmée par la prière et le chapelet qu’il récite, si possible, au quotidien. L’initiative "La France prie" l’a tout de suite interpellé. Pour lui, la prière est le meilleur moyen de "guérir des maux qui nous touchent et nous accablent". Ainsi, en organisant le chapelet, il ne pensait pas qu’il allait y retrouver une cinquantaine de personnes venues prier à ses côtés. "Je ne sais pas combien nous serons demain, car maintenant, dans les communes autour, il y a d’autres groupes qui prient", confie-t-il à Aleteia.
Combien sont les priants qui ont rejoint cette action ? Une carte interactive permet de le savoir en direct. Intégrée à l’application de messagerie Telegram et intitulée "La France prie", elle recense tous les chapelets, et le nombre de personnes inscrites. Aujourd’hui, ce 25 janvier, déjà plus de 1.920 chapelets et plus de 10.000 membres sont enregistrés.
En effet, depuis trois semaines, de Bougival à Nantes, en passant par Lille ou Marseille, d’autres croyants comme Éloi s’organisent grâce à la coordination nationale de Julien Le Page. Entouré de dix bénévoles, ce père de quatre enfants en bas âge, comptable de 32 ans travaillant à Nantes, déploie ses efforts sans compter. Julien est habité par une mission depuis longtemps : restaurer et entretenir les calvaires, les oratoires et les chapelles. En tant que président de l’association SOS Calvaires, son challenge est d’en sauvegarder plusieurs par mois. En rejoignant le mouvement "La France prie", il s’est dit : "Les calvaires sont là, certains sont tellement bien restaurés, il ne manque plus que les priants".
D’abord, c’est le bouche-à-oreille qui a fonctionné, ensuite les réseaux sociaux. Tout est parti très vite. Nous avons du mal à mettre à jour notre carte interactive, pour suivre le rythme actuel d’une nouvelle proposition de chapelet par minute…
Ces derniers sont venus, devenant rapidement de plus en plus nombreux. "D’abord, c’est le bouche-à-oreille qui a fonctionné, ensuite les réseaux sociaux. Tout est parti très vite. Nous avons du mal à mettre à jour notre carte interactive, pour suivre le rythme actuel d’une nouvelle proposition de chapelet par minute… Le travail du matin à minuit ne suffit pas !", constate-t-il.
Julien avait l’habitude de prier en famille avec ses enfants, mais c’est la première fois qu’il le fait en public : "Mercredi dernier, j’ai prié avec mon voisin. Je ne savais pas qu’il était catholique, je l’ai découvert seulement à cette occasion. Le chapelet récité ensemble a tout de suite crée un lien différent entre nous, plus profond, plus sincère, plus fraternel", confie-t-il, ému, en pensant à sa fille de six ans, Isabelle, qui l’avait accompagné ce jour-là et qui lui a fait cette confidence : "On n’est pas si seuls que ça !".
Confier le pays à la Vierge Marie
Un phénomène qui n’étonne pas Louis-Pierre Laroche, l’initiateur du mouvement. Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, il a lancé un appel le dimanche 9 janvier dernier. Commerçant français en vin expatrié, père de onze enfants, il a appelé depuis l’Autriche à prier la Vierge Marie, organisant des chapelets en France en suivant l’exemple de l’Autriche. Personnellement marqué par la crise, à l’écoute de clients désespérés par le manque de solution fiable à long terme, il a eu ce déclic à la fin du mois de novembre : "Un jour, j’ai parlé plus longtemps avec un client qui m’a dit : "Il n’y a que le Ciel qui peut nous aider". C’est devenu une évidence pour moi : Il n y a que Marie qui peut nous aider. Il faut lui confier nos soucis", ajoute-t-il. Lui aussi appelle les participants à se rassembler tous les mercredis en public "au premier calvaire, tout près de chez eux".
Prier le chapelet sur la place publique
Mais pourquoi prier en public est ici si important ? Rendre public ce rendez-vous, c’est d’abord permettre aux autres de s’y joindre. Prier dehors sur la place publique, c’est pour Louis-Pierre Laroche "mettre cet espace sous la protection de la Vierge Marie. Et comme la crise traverse toute la société, il s’agit de prier en tant que citoyen", souligne-t-il. Enfin, prier sur la place publique permet de retrouver des relations sociales bien éraflées par la situation actuelle. "Les gens sont désemparés et isolés chez eux. Il faut leur permettre de reprendre la confiance en soi, lutter contre les peurs, recréer des vrais liens notamment par la prière commune", poursuit-il.
Inspiré par la "sagesse, la profondeur et l’équilibre" de saint François de Sales, Pierre-Louis Laroche voit dans son initiative une possibilité de rappeler aux institutions gouvernementales le droit constitutionnel de pratiquer la prière dans un lieu public. "Si on ne le fait pas, ce droit risque un jour de disparaître", constate-il, tout en assurant qu'il n’y a aucune "revendication politique" dans ce mouvement.
La charte de La France prie le souligne : peu importe les opinions politiques. Debout, à genoux, sous la pluie ou dans le froid, tous les catholiques et les personnes de bonne volonté sont invitées à confier la France à la Vierge Marie et de lui demander de protéger ses habitants face à la crise sanitaire et sociale. Un appel auquel des milliers de catholiques ont déjà répondu. Aujourd’hui, on prie la Vierge dans plusieurs pays en commençant par l’Autriche, la France, mais aussi en Allemagne, en Suisse, en Italie, en Slovaquie et même jusqu’en Australie et au Canada.