L’expérience de l’exclusion sociale d’une catégorie de citoyens pour des raisons morales a son précédent avec le crédit social chinois. L’écrivain Xavier Patier se demande sans détours si le régime du pass vaccinal à la française n’y conduit pas tout droit.
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La République populaire de Chine a instauré depuis déjà plusieurs années un système de « crédit social » assez effrayant. Il consiste à noter chaque citoyen, un peu comme les banques notent la solvabilité des entreprises. L’objectif initial de ce scoring individuel institué en 2014 semblait pétri de bon sens : il consistait à aider le commerce et, pour ce faire, à promouvoir l’intégrité et la transparence dans les échanges. Faire la lumière pour créer la confiance, telle était l’idée des décideurs chinois. Mais cette idée est devenue folle.
Une prison invisible
Avec le crédit social, chaque ressortissant chinois est désormais doté en temps réel d’une note échelonnée entre 350 et 950 points. Cette note, fondée à l’origine sur la solvabilité bancaire, est désormais indexée aussi sur des données policières. Un citoyen chinois solvable, sans infraction pénale à son passif, ayant un comportement conforme aux règles urbaines (la vidéo-protection alliée à la reconnaissance faciale permet de recenser immédiatement toute déviance) et n’ayant jamais critiqué le pouvoir sur les réseaux sociaux reçoit au départ un capital 950 points. Avec 950 points, il est à peu près libre d’aller et venir. À l’opposé, un citoyen repéré par l’analyse des big-data comme ayant par exemple tardé à rembourser un emprunt ou grillé un feu rouge, perd ses points suivant un barème fixé par le gouvernement. Tombé à 350 points, il perd son accès au crédit, son droit d’obtenir un visa pour voyager, son droit d’acheter un billet de train et même son accès à certains lieux publics.
Malheur aux non vaccinés, ils seront emmerdés !
Plus violent : le citoyen bien noté fréquentant un citoyen mal noté en s’attardant à ses côtés sur la voie publique (où il est filmé) ou en lui parlant au téléphone, voit à son tour sa note dégradée. Le Chinois mal noté est un paria. La dégradation de sa note le conduit à la relégation sociale. Il est condamné à n’avoir plus d’ami. Plus de famille. Plus de prêt. Il vit dans une prison invisible. Et les citoyens mal notés sont réputés responsables des restrictions de libertés infligées aux citoyens bien notés, car chaque bien noté est un mal noté en puissance. Voilà où peut conduire la combinaison de la technologie et de la dictature. Tout cela se passe en Chine, bien entendu. Le Premier ministre Xi Jinping, qui n’est pas un adepte du langage de corps de garde, fait comme s’il avait envie d’emmerder les mal notés jusque bout. Il y réussit fort bien.
Privation de vie sociale
Emmerder les mal notés : vous voyez où je veux en venir. Le pass vaccinal qui vient d’être voté par le Parlement français établit une division de la société française en deux corps bien distincts : la majorité des bons Français, reconnaissables à leur schéma vaccinal complet lisible sur l’application TousAntiCovid qu’ils sont invités à brandir avec leur téléphone mobile, et la minorité des mauvais Français, non vaccinés et donc proscrits, qui sont bien incapables de brandir leur téléphone. Malheur aux non vaccinés, ils seront emmerdés ! Le vaccin n’est pas obligatoire, ne pas être vacciné n’est nullement interdit par la loi, mais le fait de ne pas être vacciné produira désormais des effets comparables au mauvais scoring chinois : il supprimera en silence des libertés fondamentales, la liberté de voyager, de se promener, de fréquenter les lieux culturels.
Le non vacciné est conduit vers une prison virtuelle. Une sanction qui ne dit pas son nom, une sanction qui n’est fondée sur aucune disposition du code pénal, qui n’est délibérée par aucun tribunal, frappera celui qui aura usé de son droit de n’être pas vacciné. Le non vacciné sera soumis à une punition violente et sournoise, la privation de vie sociale. Le mauvais Français n’aura même plus le droit de fréquenter un bon Français, un vacciné, puisque le vaccin, a-t-on fini par nous avouer, ne protège guère contre la maladie (il paraît qu’il protège de ses formes graves seulement, et encore n’en est-on pas certain). Vivez séparés les uns des autres, suspectez-vous les uns les autres, et alors tout ira bien. Cessez de vivre et vous survivrez ! Enthousiasmant programme.
Maladie de l’âme
On peut plaisanter de ces absurdités en attendant les beaux jours. Mais il faut rester vigilant. Quand un peuple a goûté au plaisir de l’ordre policier, il est soumis à une maladie de l’âme qui peut finir par le tuer. Ne perdons pas le goût de la liberté. La Covid altère le goût, ce n’est pas son moindre défaut. Vaccinons-nous, mais contre le conformisme.