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Sans le cinéma, que serait l’Amérique ? Oui, sans la possibilité de rêver et de créer, que serait donc l’Amérique ? Ce pays bâti sur le rêve, l’immigration et la conquête, pétri d’espaces, de nature, de fantasmes ne pouvait que demander à Dieu de le bénir. God bless America. Sa nouvelle histoire née au XVIIIe siècle a tour à tour connu l'âge d’or, les batailles et l’émergence de villes par milliers. C’est justement dans l’une d’elles, dans l’Ohio, que Michael Cimino, ancien étudiant en arts et en architecture à Yale, décide de tourner son deuxième long-métrage : Voyage au bout de l’enfer. Il remporte cinq Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Et il est promu cinéaste de génie, avant de connaître la chute. Le réalisateur Jean-Baptiste Thoret, passionné de cinéma américain, l’a rencontré quelques années avant sa mort, survenue en 2016. Ensemble, ils sont partis sur les routes. L’occasion de recueillir le témoignage et la vision du cinéma d’un grand artiste, exigeant et libre.
Les petites Amériques font la grande Amérique
La première partie du documentaire revient essentiellement sur les lieux du tournage de Voyage au bout de l’enfer. Ce film qui a lancé la carrière de Meryl Streep et qui compte parmi les cinq chef-d'œuvres de cette époque selon Quentin Tarantino, présent dans le documentaire à plusieurs reprises. À cette époque, la ville de Mingo Junction est en plein boom industriel et y pullulent des ouvriers en métallurgie. Des habitants, nostalgiques, racontent leur jeunesse difficile mais bénie, où la solidarité régnait autant que la vie. Surtout leurs souvenirs de l’événement du tournage, auquel tout le monde voulait participer.
Il faut dire que Robert De Niro tient le rôle principal. Entre anecdotes et commentaires, on découvre comment le cinéaste a voulu montrer la réalité des effets de la guerre du Vietnam en s’inspirant de la spécificité des habitants de cette ville. Aujourd’hui encore, ce film fait la fierté du coin et reste une source d’unité. Au montage, des archives historiques se mêlent aux témoins de ce temps, dans des prises de vue typiquement américaines, qui sont en elles-mêmes un hommage au cinéma américain. Peu à peu, on touche du doigt l’âme singulière du cinéaste célébré. On est pris dans le film.
Un chant russe, quelques notes de piano, de guitare, ou encore un chant sacré accompagnent la deuxième partie du documentaire, davantage passionnante que la précédente. Sur la route, le cinéaste capte des plans époustouflants de la nature si riche du pays, que l’on peut admirer à perte de vue. Pendant ce temps, Michael Cimino raconte, commente, explique sa vision du cinéma, ses mauvaises décisions, son caractère. À l’ère du "nouvel Hollywood", mené par John Ford et Clint Eastwood, il est respecté mais à contre-courant.
Son obsession ambitieuse de faire des films selon ses goûts l’amène à planter sa deuxième partie de carrière. La faute, peut-être, de son idole l’architecte Franck Lloyd Wright, connu pour son intégrité sans limites, et qui inspira le personnage d’Howard Roark dans La Source Vive d’Ayn Rand. L’un des livres les plus lus aux États-Unis. C’est d’ailleurs en architecte qu’il construit ses films, comme le cinéaste Carl Dreyer, pensant le film en une succession de plans avant tout. Et s’il a tourné beaucoup de films d’action, sanguinolents et brutaux, l’aspiration artistique a aussi énormément guidé sa manière de filmer.
Que la beauté me surplombe, que la beauté me soutienne, que la beauté m’entoure totalement.
"Que la beauté me précède, que la beauté me suive, que la beauté me surplombe, que la beauté me soutienne, que la beauté m’entoure totalement", cette parole magnifique d’un de ses personnages du film The Sunchaser (1996), dite en voix-off, était aussi à l’image de sa prière personnelle. En atteste la manière dont il a vécu. Il cherchait à dire la vérité sur l’histoire de l’Amérique et en a payé le prix professionnellement. Mais il laisse des chef-d'œuvres comme Le Canardeur et La Porte du Paradis, encore diffusés dans les salles américaines aujourd’hui.
Jean-Baptiste Thoret a réalisé un documentaire à la hauteur de son sujet, très beau, très soigné, inégal par endroits, mais qui rend compte fidèlement de la pensée de l’univers de Michael Cimino. Ce splendide documentaire est aussi un bel hommage au 7e art américain, que condensent les quelques très belles scènes de projections de films sur des bâtiments, en pleine nuit.
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