Un carnage, une tuerie, un massacre… Les mots ne semblent pas assez forts pour décrire l’hécatombe dont le village chrétien karenni de Moso, en Birmanie, près de la frontière thaïlandaise, a été le théâtre le 24 décembre. Ce soir-là, au moins 35 hommes, femmes et enfants ont péri dans les flammes de leurs véhicules incendiés par la junte birmane. Deux employés de l’ONG britannique Save The Children ont été retrouvés parmi les cadavres. Issus d’une localité à majorité chrétienne, les civils s’apprêtaient à célébrer la naissance du Christ. "Dans les voitures incendiées, j’ai vu le reste des corps calcinés", a confié au Monde un employé d’une ONG de l’État Kayah qui a échappé de justesse au massacre. Pour lui, il ne fait pas de doute que les victimes ont "été brûlées vives". Il décrit notamment "leurs mains crispées, levées, agrippées : c’étaient les mains de gens en train de mourir dans les flammes et qui tentaient d’échapper à la fournaise".
L'armée terrorise et massacre maintenant la population sans pitié, commettant des crimes contre l'humanité.
Les obsèques de ces suppliciés ont eu lieu quelques jours plus tard, le 29 décembre, dans le village de Mo So, également situé dans l’État Kayah. Pour être exact, ils n’ont eu droit qu’à un simple rite funéraire dirigé par des catéchistes, sans eucharistie et sans la présence d'un prêtre, l’armée birmane n’ayant pas permis au curé d’arriver jusqu’au village. "Nous sommes effrayés, choqués. C’est d’une grande cruauté", a confié Clément, un laïc catholique présent à la cérémonie funéraire, à l’agence Fides. "Il s’agissait de personnes innocentes qui fuyaient les combats. Ce type d'attaque est atroce et inhumain. Il y a une perte totale de conscience parmi les militaires. L'armée terrorise et massacre maintenant la population sans pitié, commettant des crimes contre l'humanité".
Un vaste mouvement de désobéissance civile, né après le coup d’état du 1er février 2021, est depuis quelques mois durement réprimé par l’armée. Quelque 1.300 civils auraient été tués dans le cadre de la répression menée par les forces armées, selon un groupe de surveillance local. Le besoin urgent de sécurité et de nourriture pousse les familles à fuir après la destruction de leurs maisons. Sur place, les églises continuent tant bien que mal à servir les besoins spirituels et matériels des populations. Et parce que l’Église soutient les plus vulnérables, les déplacés et les plus faibles sans distinction aucune, elle est régulièrement, à travers ses prêtres, ses religieuses et ses églises, prise pour cible par l’armée birmane.
Moins de 3% de catholiques
L’État de Kayah, dont 75% des habitants appartiennent à des minorités ethniques, est l’État birman qui compte le plus fort pourcentage de chrétiens. La présence catholique dans cette région a commencé à la fin des années 1800 avec l’arrivée des premiers missionnaires de l’Institut pontifical des missions étrangères (PIME). Aujourd’hui, il y a plus de 90.000 catholiques à Kayah, sur environ 355.000 habitants de l’État. Dans le pays qui compte au total à peine plus de 6% de chrétiens (et moins de 3% de catholiques), l’Église catholique a bien évidemment un rôle limité. Mais un rôle qu’elle tient à assumer.