Comme un bon père de famille
Le philosophe Hans Jonas, dans le Principe Responsabilité (1979), œuvre qui a fait date dans la formation des responsables politiques, rappelle cette évidence : le responsable politique, l’homme d’État digne de ce nom doit toujours être capable de régler ses décisions sur celles du père de famille digne de ce nom. Il compare explicitement le rôle du chef d'État à celui d’un bon père de famille. Ne pas faire ou dire ce qu’on ne ferait pas en tant que père de famille. Avoir la prudence de décision, la capacité d’anticipation, et surtout la mesure qui caractérise celui qui a entre ses mains le bien d’une petite communauté de vie.
Le bon père de famille ne voit pas en ses enfants des adversaires ni des ennemis, il n’est pas motivé par son "envie d’emmerder" l’un ou l’autre.
Le souci de l’autre qui est le propre de l’expérience parentale est le modèle de ce que doit être la responsabilité politique. Cela ne signifie pas que l’homme d’État, ou qu’un président de la République doit se prendre pour le père de ses concitoyens : cela signifie que son souci du bien de tous, du bien commun, doit être à la hauteur du souci qu’a un bon père pour sa propre famille. Le bon père de famille ne voit pas en ses enfants des adversaires ni des ennemis, il n’est pas motivé par son "envie d’emmerder" l’un ou l’autre. Il fait plutôt partie de ceux qui ont écouté avec intérêt saint Paul (qui lui-même n’avait pas d’enfants) : "Parents, n’exaspérez pas vos enfants" (Co 3, 21).
"Vous vivez sous le même toit"
Traduisons : ne les emmerdez pas. Pourquoi ? Mais tout simplement parce que vous vivez sous le même toit, vous partagez la même table, ce sont vos proches, votre prochain. C’est ainsi : on n’est pas plus proches de ceux que l’on dirige en mimant leur langage ou leurs propres faiblesses, on n’est pas plus respecté non plus en jouant à "œil pour œil, dent pour dent". Que cette menace en demi-teinte, lâchée dans une conversation, nous invite plutôt à faire un retour sur nous-mêmes, à ré-interroger la façon dont nous réglons nos désaccords en famille, au travail, en communauté : les encouragements valent toujours mieux que les menaces, car ils donnent envie de croire à un avenir commun.