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Comme le dit la chanson, nous rêvons souvent d’un autre monde. Nous élaborons des idées politiques, sociales, religieuses ou économiques pour changer ce monde où nous vivons qui, pour de nombreuses et légitimes raisons, ne nous satisfait pas. En cette période de campagne électorale nous n’allons pas manquer d’être abreuvés d’idées, de mesures et de programmes soutenus, débattus, critiqués ou rejetés. L’année nouvelle approchant, nous pensons parfois à ce que nous pourrions modifier dans nos vies, avec les fameuses résolutions de début d’année qui valent ce qu’elles valent. Nous nous rendons compte que changer les réalités, personnelles ou sociales, relève d’un temps long qui s’étale sur des décennies ou des générations.
Tout, tout de suite
Le temps nécessaire aux véritables changements se heurte au désir d’immédiateté de notre époque : il nous faut tout, tout de suite et, sans forcément être dans un caprice enfantin, nous piaffons trop souvent devant la difficulté et les temps nécessaires pour réaliser nos désirs. Peut-être est-ce le problème des politiques qui sont coincés entre les mesures qui doivent être prises et les effets de ces mesures qui ne se constatent que bien après la prochaine échéance électorale ? De là vient aussi cette mode assez récente de parler sans cesse des « cent premiers jours » d’un mandat électif au cours desquels on met en œuvre les mesures phares d’un programme. « Vous voulez de l’immédiateté, de la vitesse ? On vous en promet et on vous en donne ! » À ces cent jours correspondent aussi l’état de grâce qui s’achève avec eux et les récriminations peuvent alors reprendre de plus belle, chacun ayant été frustré parce que tout cela ne va pas assez vite ou va dans la mauvaise direction. Pour nous chrétiens, l’état de grâce consiste à être en paix avec Dieu et non de tenir dans la durée le taux d’opinion positive de nos concitoyens.
Changer le monde
Dieu aussi veut changer le monde. Mais il ne le fait pas à coup de discours programme ou de bonnes résolutions. Pour changer le monde, il se donne, tout entier, avec son corps, son sang, son humanité et sa divinité, dans la durée qui pour Lui est éternité. C’est ce que nous allons contempler à Noël dans le mystère de la crèche et ensuite dans le déploiement de l’année liturgique. Tout le mystère de la foi chrétienne est le mystère d’un Dieu qui se donne à travers sa création, sa parole, son incarnation, sa mort et sa résurrection, le don de l’Esprit et la vie sacramentaire. S’il se donne, c’est pour nous, notre vie et notre salut, mais c’est aussi afin que nous apprenions à nous donner, nous aussi. S’il se donne, c’est parce que son être même est de se donner perpétuellement dans le mystère d’amour mutuel de la Trinité et s’il nous apprend à nous donner, c’est parce que l’accomplissement de notre être ne peut être parfait que dans le don de nous-mêmes. Je ne peux être moi que si je me donne. Je ne peux pas changer le monde et me changer moi-même si je ne me donne pas, d’une manière ou d’une autre, librement et fidèlement. L’incarnation de ce don sera différente pour chacun de nous suivant nos vocations particulières et les âges de nos vies : le mariage, la vie consacrée, le service, la maternité ou la paternité, les études ou le travail quotidien, le service de la charité de l’autre, la prière contemplative, la souffrance dans la paix, la présence aimante… Les formes de don sont bien plus nombreuses que les formes de péché qui se résument toujours à « prendre pour soi » au mépris de Dieu et de l’autre.
Alors cette semaine nous verrons l’Enfant Jésus en plâtre, pierre, chiffon ou porcelaine déposé dans la crèche de nos églises. Nous contemplerons cet enfant offert au monde pour le changer. Mettez-vous à sa place (en esprit bien sûr, car sinon Monsieur le curé ne sera pas très content). C’est vous qui êtes offerts au monde, pour le changer, et en vous donnant vous ne changerez pas : vous deviendrez ce que vous êtes, pour votre joie et la joie du monde.