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Chaque fois que quelqu’un parle des droits de l’homme, déclare un personnage de Houellebecq, je ne peux m’empêcher de penser que c’est du second degré. Difficile de ne pas appliquer au mot "éthique" cette ironie désabusée. Il y a un certain temps déjà qu’éthique est devenu un mot vide de sens, qu’on tamponne sur un projet de loi ou sur un produit pour des raisons rarement morales. On serait tenté d’écrire "pour s’acheter une bonne conscience à peu de frais", mais depuis que la conscience elle-même — qui ne va jamais sans son objection — est assimilée à un outrage à sa majesté la République, il faut trouver une autre formule. Disons qu’on appelle aujourd’hui "éthique" ce qu’on veut paradoxalement soustraire à l’examen critique.
Il y a peu, lors d’une campagne de promotion des métiers d’avenir, le gouvernement a déclaré vouloir former des "hackers éthiques". Bizarre besoin de moraliser explicitement un métier par l’adjectif, quand le nom suggère une activité illégale. Sans doute la "GPA éthique" n’est-elle que l’exacerbation sordide de la même logique. Sylviane Agacinski l’a dit avec une clarté parfaite : "Parler de GPA éthique, c’est aussi absurde que de parler d’esclavage éthique."
Une préoccupation encombrante
Que l’étiquette "éthique" soit accolée, seul cela semble compter pour les stratèges de la transformation de tout être en produit. Évidemment, ce serait mieux que ce soit aussi "citoyen", "moderne" et "démocratique". "Éthique" peut toutefois suffire pour faire un ironique pied-de-nez aux attardés qui croient encore que science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il est vrai que citer Rabelais suppose de croire aussi que l’être humain à une âme, cette chose étrange qu’on ne peut fabriquer en laboratoire.
Que le comité ne soit que « consultatif » ne fait que confirmer la facilité avec laquelle il pourra être réduit à un rôle de simple figuration.
Depuis 1983, on le sait, l’éthique à son Comité consultatif national (CCNE), dont les théologiens de différentes confessions ont été exclus en 2013. Il faut croire qu’ils croyaient à l’existence de l’âme. La création d’un tel comité n’augurait d’ailleurs rien de bon : quand un gouvernement confie l’éthique à un groupe indépendant, c’est avant tout le signe qu’il se débarrasse d’une préoccupation jugée encombrante. On pourrait bien évoquer un garde-fou qu’il impose à ses décisions, mais cela signifie surtout que l’éthique ne le concerne pas. Que le comité ne soit que "consultatif" ne fait que confirmer la facilité avec laquelle il pourra être réduit à un rôle de simple figuration.
Surtout, pas de stigmatisation
Le plus frappant est que le CCNE pourrait bien être conscient de son inutilité. Le 16 décembre, il a déclaré que la vaccination des enfants de cinq à onze ans était "acceptable sur le plan éthique", mais a jugé bon d’ajouter qu’il se prononçait "dans l’urgence et l’incertitude". Nous voilà rassurés : les bases sont solides et le principe de précaution est bien appliqué ! Sans doute pour ne pas donner entièrement l’impression de ne servir à rien, le Comité a précisé qu’il ne fallait "qu’aucune des mesures mises en œuvre ne conduise, directement ou indirectement, à une stigmatisation". Amusant conseil que n’a guère suivi le Premier ministre à propos des adultes, en déclarant tranquillement : "Il n’est pas admissible que le refus de quelques millions de Français de se faire vacciner mette en risque la vie de tout un pays." Rien que ça ! L’ennemi numéro un est enfin débusqué. Si la France meurt, on saura qui a fait le coup et on saura surtout à qui s’en prendre. Que nul ne s’inquiète, pourtant. Il s’agit sûrement d’une stigmatisation éthique.