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Alors que Jean-Luc Mélenchon, candidat déclaré pour La France Insoumise à l’élection présidentielle, avait affirmé en juin dernier, au magazine Têtu : « Je ne crois pas à une GPA éthique et bénévole », Yannick Jadot a exprimé une position inverse le 13 décembre sur France Info : « Vous pouvez organiser la GPA de manière absolument non-marchande. Il ne faut pas qu’il y ait un euro de versé. » Et le leader Europe Écologie Les Verts (EELV) de confirmer son souhait d’ouvrir le débat en vue d’une « GPA éthique ».
Que Yannick Jadot, étiqueté « écologiste », soit le premier candidat pour 2022 à envisager de légaliser en France le système des mères porteuses pourrait prêter à rire, tant la GPA est anti-écologique. Mais le sujet est sérieux, tant pour la condition des femmes que pour celles des enfants. Accoler les mots écologie et GPA, c’est comme faire se toucher les deux pôles d’un fil électrique. Contradiction assurée : au regard des besoins de l’être humain, et de son écologie, il n’y a pas plus artificiel que d’organiser, à partir de techniques de conception in vitro — intégrant un prélèvement ovocytaire chirurgical sans motif médical — l’éclatement de la maternité entre deux voire trois femmes : une génitrice fournira ses gènes ; une gestatrice assurera la grossesse ; et une éducatrice — la commanditaire — récupèrera l’enfant après sa naissance. Comme chacun sait, ce système est aussi revendiqué en France — et pratiqué à l’étranger — par des hommes souhaitant engendrer tout en privant l’enfant de mère.
Le désir, ni l’amour ne sauraient légitimer la grave injustice originelle préméditée qui consiste à prévoir de séparer délibérément un enfant de celle qui vient de l’enfanter.
Il ne s’agit pas de nier le désir d’engendrer, qui motive la revendication de la GPA, ni l’affection que les personnes qui cèdent à cette technique peuvent témoigner aux enfants qu’ils élèvent. Mais ni le désir, ni l’amour ne sauraient légitimer la grave injustice originelle préméditée qui consiste à prévoir de séparer délibérément un enfant de celle qui vient de l’enfanter.
La supercherie du label « éthique »
Que l’anthropologie soit l’angle-mort des partis écologistes français n’est pas nouveau. Mais, avec la GPA, ce constat franchit une ligne supplémentaire qui interroge. Yannick Jadot a pris soin d’accoler le mot « éthique » à sa GPA. L’usage de terme-excipients, chargé de faire avaler la pilule d’une transgression, est un procédé connu. Imparable mantra, le label « éthique » est ajouté à une dérive éthique, comme autrefois le qualificatif « thérapeutique » quand on voulait légaliser le clonage, comme si la fin légitimait les moyens.
Il suffit de comparer les niveaux de vie des mères-porteuses et de leurs « clientes » pour mesurer de quel côté penche la misère, et à quel point la liberté revendiquée est à sens unique.
Ce qualificatif « éthique » relève bel et bien de la supercherie, comme le soulignent régulièrement les associations de lutte contre la GPA. Il s’agit — dans tous les cas — d’une instrumentalisation du corps des femmes. On aura beau jeu de prétendre, selon les cas, qu’elles sont suffisamment indemnisées ou, au contraire, qu’elles agissent à titre gratuit, par simple altruisme, cette contradiction ne fera que confirmer l’injustice de ce marché des ventres. Peu importe qu’il se développe dans des pays ultra-libéraux — où l’enfant est traité comme une chose, avant comme après sa naissance — ou dans les pays pauvres, où des intermédiaires font fabriquer à des femmes vivant dans la misère des enfants pour les riches, comme on les leur vendait autrefois. Voilà pourquoi les adversaires de la GPA l’apparentent à un « nouvel esclavage » voire à une nouvelle forme de prostitution. Il suffit de comparer les niveaux de vie des mères-porteuses et de leurs « clientes » pour mesurer de quel côté penche la misère, et à quel point la liberté revendiquée est à sens unique.
Situations d’exploitation
Jean-Luc Mélenchon, conscient que la GPA « est déjà accessible aux plus riches, à l’étranger » a argumenté son opposition : « Je ne peux pas être d’accord avec l’idée qu’une personne soit un instrument de production, et j’ai la certitude que la GPA crée forcément des situations d’exploitation de femmes. » De son côté, Violaine Des Courières explique dans Marianne que l’expression « GPA éthique » est utilisée par les riches entrepreneurs de la GPA pour valoriser la « qualité » — on serait tenté de dire la traçabilité — de leurs juteuses filières et de leurs produits. Leur GPA éthique, c’est la garantie de gestatrices d’une qualité irréprochable ! Vous avez dit féminisme ? Cette qualité certifiée des mères a sa contrepartie : des contrats de dizaines de pages, avec de multiples interdictions et l’obligation d’abandonner l’enfant à sa naissance sans possibilité de rétractation. L’américaine Melissa Cook l’a appris à ses dépens, forcée par la justice d’abandonner à la naissance ses bébés dont le commanditaire avait demandé en vain l’avortement ! Les tenants de la GPA tiennent à nous faire croire que l’attachement entre une femme enceinte et son bébé à naître n’est qu’une « construction sociale »…
Yannick Jadot a tenté de s’en sortir en prônant une GPA intrafamiliale, tout en taisant le brouillage des repères généalogiques induit. On se souvient, en Grande-Bretagne, de cet enfant de trois sœurs : la génitrice, la porteuse et l’éducatrice. La seconde avouait sa douleur d’avoir dû se séparer du bébé pour n’en devenir que la tante. On est loin de l’angélisme à zéro euro du candidat EELV.
Se démarquer de la « ligne rouge »
La GPA n’est tout simplement ni bio, ni éthique. N’en déplaise aux pays minés par l’utilitarisme anglo-saxon, pour un esprit libre et averti, la posture pro-GPA relève soit de l’idéologie, soit de calculs politiciens. Faut-il s’étonner qu’un parti vert si prompt à dénoncer le greenwashing fasse passer la GPA dans un programme écologique ? C’est une question de tactique, et de cible électorale. Yannick Jadot et son équipe savent que le parti du président de la République — qui a presque tout « lâché » sur l’éthique, lors de la révision de la loi « bioéthique », et, plus récemment, en soutenant la proposition de loi qui accentue la dérégulation de l’avortement — a choisi, pour le moment, de ne pas embrayer sur les mères porteuses. En charge du sujet, le ministre de la Justice a affirmé le 15 novembre : « La GPA est une ligne rouge que nous ne souhaitons absolument pas franchir. » Notant que « dans certains pays, le corps des femmes est vendu, elles deviennent des usines à bébé », Éric Dupond-Moretti a jugé la GPA « contraire à l’éthique », quitte à prendre à contrepied, dans son domaine de compétence, trois de ses collègues, Olivier Véran, Élisabeth Moreno et Gabriel Attal qui s’étaient tour-à-tour prononcés en sens inverse, à titre personnel.
Certes, « en même temps », Emmanuel Macron n’a pas montré — dans la pratique — de pugnacité pour plaider en faveur de l’interdiction mondiale de la GPA. Refusant de pénaliser ceux qui l’importent en France, il a même manifesté de l’amitié pour des personnalités emblématiques qui revendiquent cette transgression… Mais il a répondu en novembre, par lettre à la CIAMS (Coalition internationale pour l'abolition de la maternité de substitution) qui lui avait demandé sa position, qu’« il n’est pas question d'autoriser la gestation pour autrui en France ». Cette posture vient d’être rendue publique par la CIAMS. « Ligne rouge » est — pour le moment — l’élément de langage officiel de l’exécutif.
La véritable écologie mise à mal
Voilà donc un point de différentiation pour Yannick Jadot. Quitte à piétiner l’écologie humaine, il peut espérer s’attirer la sympathie des milieux « bobo » où se recrutent une partie de son électorat potentiel, mais surtout nombre de leaders d’opinion du microcosme parisien. Comme l’écrit le pape François : « Il n’y a pas d’écologie sans anthropologie adéquate » (Laudato si’, 118). Se pourrait-il qu’un parti « écologiste » plaide un jour pour l’utérus artificiel déjà attendu par certains scientistes et quelques « féministes » radicales, comme Marcela Iacub, favorables à l’abolition de la grossesse ? Qui prendra la mesure du mal que l’on fait à la véritable écologie — et à son image dans une partie de l’opinion publique — quand on fait la promotion, sous son label, de pratiques qui en sont l’antithèse, et bafouent la dignité humaine ?