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Avec plus de 96% de non contre l’indépendance, le maintien du territoire dans le giron français est largement plébiscité. Certes les indépendantistes se sont abstenus et n’ont pas pris part au vote, mais cette tactique est le résultat de leur défaite annoncée. Ils ont préféré s’abstenir plutôt qu’être battus. Entre le moment où ont été signés les accords de Nouméa (1998), qui prenaient la suite des accords de Matignon (1988), et aujourd'hui beaucoup de choses ont changé dans la région.
Longtemps, l’Australie a soutenu l’indépendance kanake, espérant récupérer le contrôle effectif de l’archipel. Ces revendications se sont éteintes avec la montée en puissance de la Chine, désormais très présente dans la région. Là est le principal bouleversement des vingt-trois dernières années. En 1998, la Chine ne comptait pas ; elle est désormais un acteur essentiel. Depuis Barack Obama, les Américains ont amplifié leur retournement vers le Pacifique, que ce soit par des accords bilatéraux ou des installations de bases militaires.
Une utilité longtemps marginale
Pendant longtemps, la Nouvelle-Calédonie n’a pas intéressé grand monde, ni la France ni les pays de la zone pacifique. Certes il y avait des gisements de nickel et d’autres exploitations potentielles, mais l’éloignement géographique de l’archipel ne plaidait pas pour lui. Son utilité pendant la Guerre froide fut mineure, si ce n’est inexistant. Le tourisme et les activités militaires étaient moins développés qu’en Polynésie française. Il n’y avait pas non plus de liens affectifs et sentimentaux, comme c’est par exemple le cas avec les Antilles, dû au faible nombre de populations néo-calédoniennes vivant en France. Le grand tournant a eu lieu dans la dernière décennie. À mesure que s’approchait la possibilité d’une indépendance, la réflexion sur l’utilité de ce territoire est devenue croissante. L’intérêt manifesté par la Chine a aussi démontré que ces îles pouvaient être nécessaires.
Quand la rivalité sino-américaine place le Pacifique au cœur de celle-ci, ce qui était périphérique devient central.
Mais c’est la mise en avant du concept d’Indo-Pacifique qui a redonné tout son intérêt à ce territoire, le faisant passer de la périphérie du monde à son centre. Quand la géopolitique mondiale est centrée sur l’Atlantique, les marges du Pacifique apparaissent bien lointaines. Quand la rivalité sino-américaine place le Pacifique au cœur de celle-ci, la Nouvelle-Calédonie se trouve au milieu des routes et des intérêts conduisant de San Francisco à Pékin. Ce qui était périphérique devient donc central.
Le cœur de l’Indo-Pacifique
À cette géographie de l’espace s’ajoute celle de la profondeur. L’immense espace maritime calédonien s’étend aussi au fond des océans. Réserves piscicoles et halieutiques accompagnent les ressources possibles en minerais, les fameux nodules polymétalliques, dont on promet monts et merveilles depuis longtemps. Depuis que la Nouvelle-Calédonie n’est plus un espace pénitentiaire pour bagnards de métropole, elle avait perdu l’un de ses principaux attraits. Désormais qu’elle se trouve fortuitement dans un centre géographique horizontal et vertical, son intérêt devient essentiel.
Or cela oblige à revoir la stratégie française en Indo-Pacifique avec une vision globale, allant des îles du canal du Mozambique à celles de la Polynésie. Après le référendum, le gouvernement veut négocier un nouveau statut juridique. Cela sera long, rencontrera de nombreuses oppositions, tant il est difficile de contenter tout le monde, et n’est finalement pas très utile. La véritable politique stratégique ne porte pas tant sur le statut juridique de ce territoire que sur son statut géopolitique. Comment le pense-t-on pour les vingt années qui viennent et quel projet propose-t-on aux habitants, qu’ils soient Kanaks ou Caldoches ? Un mélange de rêve et de projet politique, seul capable de construire une société en commun.