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La méritocratie, une question de dignité

MÉRITOCRATIE
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Xavier Fontanet - published on 14/12/21
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Chaque semaine, l’ancien chef d’entreprise Xavier Fontanet commente l’évolution de la vie économique. Les Français ont le goût de la méritocratie, observe-t-il, mais sont bloqués par une conception figée de l’égalité. Pourquoi ne pas suivre l’exemple de l’Asie où la dignité est davantage mise en avant que l’égalité ?

Les Entretiens de Royaumont ont pris cette année pour thème de réflexion la méritocratie, sujet qui est au cœur de l’organisation de la société et qui passionne les Français. L’un des plus célèbres d’entre eux, Napoléon, ne s’était pas trompé avec sa fameuse formule « Je veux que chaque Français puisse devenir archevêque, général ou ministre ». Si Napoléon vivait aujourd’hui, il aurait probablement rajouté Ballon d’or ou présentateur du journal télévisé ! Le goût des Français pour la méritocratie explique pourquoi le salaire du joueur Kylian Mbappé, qui osons le dire est hors-norme, passe si facilement aux yeux de l’opinion publique, ce champion sportif montrant qu’une personne issue d’un milieu a priori peu favorisé peut arriver « au top ».

Cela étant dit, si le footballeur est devenu ce qu’il est, c’est à la fois à cause de talents qui ne sont pas donnés à tout le monde et au prix d’un travail de tous les instants. Applaudir un champion, c’est accepter l’inégalité des dons reçus et reconnaître la vertu de l’effort, position paradoxale pour un peuple épris par ailleurs d’égalité. Car, oui, la France a mis le mot égalité dans sa devise « Liberté, égalité, fraternité », c’est d’ailleurs le seul pays au monde à l’avoir fait. Il y a cependant dans cette décision la source d’un malentendu puisque nous donnons à certains de nos concitoyens l’impression que l’État est responsable d’assurer l’égalité. C’est ce qu’avait d’ailleurs relevé Alain Peyrefitte en regrettant que trop de Français confondaient « égal en droit et pareil en fait ».

Le concept de l’ikigai

Pour enrichir le débat et sortir de nos contradictions, il n’est pas inutile d’aller voir du côté de l’Asie. Si celle-ci a rattrapé l’Occident en si peu de temps, c’est qu’elle s’est inspirée des forces de ce dernier. Aujourd’hui l’Asie est au niveau occidental et beaucoup plus consensuelle. Ce n’est pas inutile de se tourner vers elle. Les Occidentaux qui ont la chance de bien la connaître sont d’accord pour dire que l’une des philosophies les plus puissantes autour de laquelle s’organise un des pays emblématiques de l’Asie, le Japon, est sans conteste le concept de l’ikigai.

L’ikigai est un mode de fonctionnement de la société formulé par les habitants de l’île d’Okinawa qui ont la plus grande longévité au monde (peut-être faut-il voir là une relation de cause à effet). L’une des pierres angulaires de leur constitution est le concept de dignité, plus important à leurs yeux que celui d’égalité. L’ikigai explique que la dignité s’acquiert par l’excellence dans son travail, quel qu’il soit, fut-il manuel. Un très bon artisan est plus respecté qu’un mauvais bureaucrate, même très haut placé. Chacun sait au Japon que sa dignité s’obtient en faisant bien son travail, c’est-à-dire en assumant la responsabilité qui lui a été confiée par la société : mettre en avant la dignité crée l’harmonie sociale.

L’escalier social

Parallèlement les Asiatiques insistent sur le concept d’"escalier social" (on ne parle pas d’ascenseur qui ne demande pas d’effort). Une société bien organisée est une société où chacun, où qu’il soit placé dans l’échelle sociale, a la possibilité de monter ; on est ainsi beaucoup plus sensible à l’égalité des chances de progrès qu’au niveau où l’on se situe. Chacun a sa culture et son histoire, et cela doit être respecté, mais le monde évolue. La mondialisation impose de tenir compte des autres et de s’inspirer des pratiques qui font leur succès. Et si nous remplacions dans notre devise nationale le mot égalité par celui de dignité ?

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